Intervention de Thibault Bazin

Séance en hémicycle du jeudi 20 octobre 2022 à 15h00
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaThibault Bazin :

Non.

Pire, vous intensifiez les coups de rabot. Je vous le dis avec gravité : il est encore temps de corriger votre copie, car ce qui sous-tend ce projet de loi, c'est un manque criant de vision pour l'avenir de notre système de protection sociale, menacé par son endettement. L'équilibre budgétaire de la sécurité sociale est pourtant la condition sine qua non de sa pérennité. La Cour des comptes fait le même constat dans son dernier rapport, et ce « au détriment des générations futures ».

Soutenir notre modèle de protection sociale, ce n'est donc pas laisser le déficit devenir structurel. Les projections budgétaires sont d'autant plus préoccupantes qu'elles tiennent compte de prévisions particulièrement optimistes.

À défaut de réformes structurelles, notamment pour réduire le poids de la bureaucratie, le Gouvernement impose des économies aux mauvais endroits.

D'abord, vous proposez d'économiser plus de 1 milliard d'euros sur les médicaments, prenant ainsi le risque de pénaliser l'attractivité de la France, sa réindustrialisation et, bien plus grave encore, l'accès des patients aux médicaments. Ensuite, vous demandez aux laboratoires d'analyses médicales, dont la mobilisation a été exemplaire lors de la crise sanitaire, d'économiser encore 250 millions d'euros, prenant ainsi le risque d'accentuer la fracture médicale. En effet, la présence des laboratoires indépendants dans nos territoires permet aujourd'hui le maintien d'un réel maillage pour l'accès aux soins.

De surcroît, en imposant cette baisse sans dialogue, vous renouez avec un autoritarisme qui n'est pas sans rappeler celui dont vous aviez usé en 2017 concernant l'imagerie médicale, elle-même appelée à subir un coup de rabot de l'ordre de 150 millions d'euros. Pourtant il s'agit là aussi d'un vecteur essentiel de prévention.

Chers collègues, au-delà de l'absence d'équilibre budgétaire garanti, absence critiquable dans un projet de loi de financement, ce qui se dessine à travers ce PLFSS, c'est aussi le quadruple échec du Gouvernement.

Premièrement, échec à rétablir une politique familiale ambitieuse. Soutenir les familles, ce n'est pas ponctionner 2 milliards d'euros d'excédents de la branche famille. Ce n'est pas non plus réserver les aides supplémentaires aux seules familles monoparentales. Il faut donc vous reconnaître une certaine continuité : une nouvelle fois, comme depuis cinq ans, depuis dix ans même, les familles sont les grandes oubliées. Or, en France, depuis dix ans, la natalité a chuté alors que le désir de maternité y est resté stable.

Deuxièmement, échec à relever le défi du grand âge qui s'inscrit dans la droite ligne des reports successifs de la loi grand âge. Il y a pourtant urgence à apporter une réponse structurelle au grand défi que constitue l'accompagnement du vieillissement de notre société.

Troisièmement, échec concernant la prévention, au-delà des annonces contenues dans ce projet, peu articulées en termes de moyens si l'on en juge par les difficultés de la protection maternelle et infantile (PMI), de la médecine scolaire, de la médecine du travail, de la médecine de premier recours.

Enfin, quatrièmement, échec à apporter un soutien effectif à notre système de protection sociale face à la forte inflation. Je pense en particulier à la situation des établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux. L'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) révisé ne couvrirait en effet l'inflation qu'à hauteur de 60 %. Une meilleure correction pour 2022 était et demeure nécessaire pour ces établissements.

Vous l'aurez compris, tant de défis ne sont pas relevés, tant d'acteurs du Ségur de la santé restent oubliés, tant d'attentes légitimes pour mieux soutenir les familles, les personnes en situation de handicap, les aînés, ne sont pas satisfaites.

Nous fondons donc beaucoup d'espoirs dans nos débats pour corriger en profondeur votre projet afin d'améliorer la situation du pays. Monsieur le ministre de la santé et de la prévention, monsieur le ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées, madame la ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé, je vous le demande instamment : ne passez pas en force précipitamment, laissez-nous le temps d'examiner l'ensemble de ce PLFSS, étudiez nos propositions, cela dans le souci de l'intérêt général. Il y va de l'avenir du système de sécurité sociale, de la cohésion nationale et de la souveraineté sanitaire.

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