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Intervention de Sébastien Lecornu

Séance en hémicycle du mardi 21 novembre 2023 à 15h00
Déclaration du gouvernement relative aux partenariats renouvelés entre la france et les pays africains

Sébastien Lecornu, ministre des armées :

Troisième point : Mme Lakrafi a évoqué le rôle complet des armées, qui dépasse les questions sécuritaires – je pense notamment au service de santé des armées, qui est parfois le seul à pouvoir intervenir dans certaines zones pour prodiguer des soins tant aux populations locales qu'aux Français de l'étranger. Tout cela figure dans la loi de programmation militaire.

Barkhane, ensuite : le temps manque pour lancer un grand débat sur cette opération mais j'entends les critiques faites a posteriori. En écoutant le débat, cependant, ce qu'il aurait fallu faire ne me semble pas si évident. Pour la présidente Le Pen, il faut éviter les ingérences ; ce fut clairement le cas. L'opération a sans doute duré trop longtemps, nous dit-on aussi : je comprends cet argument, mais mettre un terme à l'opération Barkhane pendant les opérations de lutte contre le terrorisme aurait signifié abandonner tout le Mali – ou, du moins, nombre de ses habitants – à une mort certaine. Cela soulève la question de la nature même de ces opérations : dès lors qu'on combat à la place du partenaire, et non plus à ses côtés, la décision de débrancher l'opération – quel que soit le Président de la République, puisqu'en l'occurrence l'opération elle-même a été décidée par le président Hollande, et non le président actuel –, a pour effet qu'on nous reproche d'abandonner ledit partenaire – ici, le Mali – aux groupes armés et de livrer sa capitale aux terroristes. Convenons-en tous : la difficulté que nous avons eue tient au fait que l'armée française a fini par faire le travail à la place des forces armées maliennes.

Est-ce un problème politique ? Oui, on peut le dire, mais il faut considérer la situation dramatique dans laquelle se trouve le Mali. Je pense aux tweets concernant la reprise de Kidal et aux pratiques de la guerre informationnelle : sur ce point, gardons notre calme : les armées maliennes et le groupe Wagner n'ont fait que reprendre non pas la ville mais le camp de Kidal et, de surcroît, sans combats.

Malheureusement, la situation dans le Sahel parle – tristement, dramatiquement – pour le bilan de la France. Sur cela aussi, nous pourrons revenir.

J'accélère : la formation, peu évoquée dans le débat, est consensuelle. En ce qui concerne l'armement, on ne peut pas refuser d'intervenir à la place de nos partenaires et laisser leurs armées s'en charger tout en refusant dans le même temps de leur vendre du matériel – ce que d'autres feront à notre place, comme l'a rappelé Mme Tabarot en évoquant la Turquie. En matière d'armement, la France est attendue. Le Sénégal, par exemple, futur producteur d'hydrocarbures, sera bientôt exposé à des risques terroristes importants. Soit on agit aux côtés de nos partenaires, soit on agit à leur place – ce n'est pas l'ordre du jour –, soit on leur permet d'agir. Dans ce dernier cas, ils doivent pouvoir atteindre un certain niveau d'équipement, ce qui pose la question des prix et des modèles économiques que doit proposer la BITD aux pays africains.

Je le dis sans ambages : je suis le ministre de tutelle des industries de défense et je les aime, mais pendant des années, le marché africain ne les a pas intéressés. Depuis un an, je leur ai expressément demandé de développer une offre spécifique pour les pays africains, y compris avec le Trésor, en particulier sur le segment terrestre, les drones et la lutte antidrones mais aussi le cyber – car les infrastructures numériques des pays africains sont parfois très fragiles.

Enfin, je sais que certains députés, dont M. Ben Cheikh, souhaitaient aborder les stratégies d'accès aux ports et aux aéroports pour mener des évacuations de ressortissants en cas de crise – je pense à l'évacuation de Khartoum au Soudan. La coordination stratégique des différents partenaires est en cours.

Les organisations régionales apportent quant à elles un accompagnement plus politique que militaire. Les forces de ces organisations n'ont jamais vraiment été opérationnelles.

Je voudrais conclure en rappelant la dimension européenne de ces questions – un sujet intéressant à l'approche des élections européennes. Ne nous méprenons pas, monsieur Dupont-Aignan : j'ai beau ne pas toujours être le plus europhile de la majorité, je ne vois pas pourquoi le fardeau de la sécurité en Afrique ne reposerait que sur les épaules des Français.

On critique souvent la task force Takuba. L'objectif était d'inciter les armées européennes à se rendre sur le continent africain et à y « apprendre » – pardon pour ce terme désobligeant – le théâtre africain. Puisqu'il s'agit de lutter contre les risques terroristes et les risques migratoires connexes, tout l'effort ne doit pas incomber à l'armée et au contribuable français ; les Espagnols, les Italiens, les Allemands ou encore les Estoniens – comme l'a dit la ministre – peuvent y prendre leur part. Tel est l'esprit qui a inspiré la création de Takuba : il n'était pas seulement question de dire qu'on agit en Européens – cela aurait été un peu court – mais aussi que si tous les Européens sont concernés par ces risques, il n'y a aucune raison de ne pas partager l'effort.

Pardon, madame la présidente, d'avoir été trop long.

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