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Intervention de Sophie Errante

Séance en hémicycle du mardi 21 novembre 2023 à 15h00
Déclaration du gouvernement relative aux partenariats renouvelés entre la france et les pays africains

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSophie Errante :

Nous ne devons avoir aucune hypocrisie en la matière et assumer la nécessité de trouver un équilibre gagnant-gagnant, dans lequel aucune partie ne se sente lésée. Cette nouvelle méthode de négociation et, surtout, les résultats opérationnels de cette négociation doivent constituer un atout fondamental pour le développement de cette zone monétaire, qui sera, n'en doutons pas, une des zones économiques majeures du XXIe siècle.

En effet, l'adossement des monnaies nationales à l'euro doit s'inscrire dans un cercle vertueux de développement économique, pour la France tout autant que pour les pays partenaires africains. Il est donc nécessaire de rechercher, de manière pragmatique, de réels points de synergie, tout en étant capables de comprendre les enjeux du contexte actuel. Cela permettra un alignement des intérêts stratégiques de développement de notre pays et de ses partenaires.

Dans cette nouvelle relation souhaitée par le Président de la République, le paternalisme postcolonialiste latent doit laisser la place à une compréhension de nos intérêts partagés. De ce point de vue, il convient de saluer certains acteurs français, car ils sont souvent oubliés, voire décriés. Pourtant, ils sont les meilleures sentinelles dont nous disposons, et je suis convaincue qu'en prenant le temps de mieux les écouter, nous éviterions les écueils dramatiques de ces dernières années.

Je pense tout d'abord au réseau économique des entreprises françaises installées sur le continent africain, parfois depuis plus de cent ans. Elles ont traversé les crises du continent, avec les acteurs locaux ; elles ont vécu et donné lieu à la fondation de familles binationales ; elles aiment avec autant d'engagement leurs deux continents. Ces entreprises ont vu arriver les mutations et les stratégies d'implantation des puissances extérieures. Elles nous le disent : elles ont plusieurs fois tiré la sonnette d'alarme, mais nous ne les avons pas suffisamment écoutées.

Il en est de même de nos militaires, qui ont vu les implantations des autres grandes puissances se développer ces vingt dernières années. Bien évidemment, je me joins aux hommages rendus à nos soldats en opération. Enfin, je n'oublie pas les diasporas, qui ne cessent de nous alerter, elles aussi, sur la nécessité de changer de logiciel.

Oui, Emmanuel Macron est le premier président à avoir, dans ses prises de position, exprimé avec une clarté sans précédent et assumé la nécessité de tourner cette page et d'en ouvrir une autre. Il est le premier à avoir reconnu que les équilibres sur le continent africain avaient radicalement changé et que nous devions, nous aussi, changer. Je n'ai rien à retirer au discours de Ouagadougou, mais c'est sur les actes que nous serons jugés. Aussi devons-nous aller plus loin et plus vite dans la déclinaison opérationnelle des engagements du Président.

Nous devons changer notre logiciel, mais pas de manière cosmétique, ni cynique ou hors sol. Nous devons considérer les acteurs français et les diasporas, insuffisamment écoutés, je l'ai dit, alors même qu'ils détiennent des éléments de réponse opérationnels. Ils peuvent donner du corps à notre nouvelle vision, nous donner une capacité d'action, à ce jour insuffisante, voire contre-productive, alors que l'intention et la vision stratégique qui ressortent du discours du Président de la République sont claires et visionnaires.

Pour ce faire, nous avons aussi besoin de nouveaux partenariats sur le continent africain, inscrits dans une démarche de réciprocité. Cette nouvelle posture demandera assurément de sortir des sentiers battus, le chemin le plus efficace n'étant pas toujours le plus direct. Des détours seront nécessaires via ces partenaires qui peuvent être des passerelles, afin de retrouver des relations apaisées et de qualité, afin de nous permettre de prouver les intentions et la nouvelle capacité d'action de la France.

Il est probable que cela passera aussi – les récents évènements nous le montrent – par des pauses constructives et la recherche de solutions alternatives courageuses, privilégiant les besoins stratégiques de notre pays. Nous devons cesser de subir, d'être en réaction. Il nous faut avancer dans la réflexion stratégique et prospective sur notre approche multilatérale. La relation entre l'Afrique et la France est une des dimensions d'une ambition dont les enjeux majeurs sont notre vision du développement humain et l'avenir que nous souhaitons construire. Cette relation n'a de sens que dans la cohérence avec nos valeurs sur lesquelles est bâtie notre propre nation. Elle doit se traduire par des actes que nous pourrons assumer en exerçant nos responsabilités.

Joseph Ki-Zerbo, qui a été au XXe siècle l'un des grands historiens du continent africain, affirmait : « Se développer, c'est multiplier ses possibilités de choix libérateurs » ; « Se développer, c'est être, être toujours plus, se reproduire et pas seulement produire. Participer par coresponsabilité. » Cette vision nous remet tous au même niveau. Elle dresse un constat lucide de nos sociétés, qui rappelle que nous avons chacun à nous développer. M'appuyant sur cette vision, je formule le souhait, au sein de cette assemblée, que l'avenir de la relation entre la France et le continent africain passe par cette coresponsabilité des acteurs, dans l'ambition d'une humanité partagée.

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