…la France a clairement fait, ces dernières années, le choix du soutien à l'entrepreneuriat africain, de plus en plus souvent en lien avec les projets issus des diasporas – c'est une bonne chose. Il faut désormais démultiplier cette approche avec des projets à taille humaine, relatifs aux biens de première nécessité : agriculture, équipement urbain, éducation, formation. Le Président de la République l'a clairement dit dans son discours du 27 février : toutes les forces de la société française – les entreprises comme les universités et les collectivités territoriales – doivent être embarquées dans une diplomatie partenariale. Cette mise en relation concrète de sociétés représente un apport majeur ; il y a quatre ans, à la demande du premier ministre de l'époque, Édouard Philippe, j'avais remis au Gouvernement un rapport sur la coopération décentralisée, c'est-à-dire sur les échanges entre territoires français et africains – réseaux professionnels, associations, société civile. Il y a là un terreau considérable que certains postes diplomatiques s'efforcent de mobiliser, mais qui reste souvent sous-utilisé. Il permet de dessiner une autre géographie de notre relation à l'Afrique, loin des idées reçues.
Relier les territoires et les pays africains est aussi une manière de mettre en avant une France diverse et pluraliste, qui dément la centralisation ou l'autoritarisme caricaturés par nos détracteurs. Ces liens démultipliés permettent de ne plus donner de prise à nos adversaires : nous parlons alors de nous tels que nous sommes, et non d'un fantasme. Nous donnons aussi accès à des guichets de solutions partout sur notre territoire pour outiller nos initiatives à destination de l'Afrique ou accueillir les meilleurs entrepreneurs et créateurs africains.
À cet égard, madame la ministre, il me paraîtrait utile de créer, au sein de la direction générale de la mondialisation, de la culture, de l'enseignement et du développement international du Quai d'Orsay, une direction de l'internationalisation des territoires et des acteurs de la société civile, afin de sortir des seules logiques de la coopération traditionnelle ou des ONG et pour mettre l'intelligence de nos territoires, de nos diasporas et de notre jeunesse au service de la relation entre l'Afrique et la France.
Notre débat à l'Assemblée coïncide par exemple avec la nouvelle édition des appels à projets « Acteurs de l'énergie pour l'Afrique » concernant les énergies renouvelables et la formation professionnelle à la maintenance des équipements et à la gestion des ressources : lancés par la région Hauts-de-France, ils mobilisent des entreprises locales, des clusters de start-up et des opérateurs ; le potentiel de l'équipe France territoriale est ainsi mobilisé au service de partenariats permettant un saut qualitatif des pays africains en matière de développement durable. Dans une relation de pair à pair entre entreprises et entrepreneurs français et africains, les réseaux territoriaux peuvent recenser les besoins en main d'œuvre selon les spécialisations locales. Cela permettra d'accélérer le programme des jeunes professionnels (PJP) mis en œuvre par les antennes de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii) en Afrique, qui offre à de jeunes travailleurs africains l'occasion, pendant un temps limité, de développer leur expertise en France. Nous pourrons ainsi favoriser les migrations circulaires afin que le passage par l'Europe assure la montée en compétences des professionnels africains, devienne un accélérateur de développement et change le regard sur les migrations.
Voici quelques exemples, parmi beaucoup d'autres, d'échanges gagnant-gagnant élaborés à partir de la réalité de nos besoins partagés, échanges qui naissent d'un dialogue avec l'autre. Sur le plan économique comme en matière culturelle, l'enjeu est de bâtir des communautés connectées qui se parlent et qui créent. Ce sont elles qui écriront notre futur commun, et on n'y décèle pas une once de discours caricatural antifrançais !