Vous vous félicitez qu'aucune résolution n'ait été votée à l'ONU contre la France, mais vous saluez en réalité une situation d'inertie, l'ONU ne reconnaissant toujours pas le territoire français de Mayotte ni le choix de ses habitants. Pis, les autorités russes mentionnent de plus en plus le cas de Mayotte pour affaiblir l'image de la France. Là encore, les faits sont têtus : la politique de votre ministère ne produit aucun résultat diplomatique.
Enfin, s'agissant de l'intégration régionale de Mayotte, sur laquelle vous dites que le Quai d'Orsay travaille depuis trente ans et dont Mayotte est exclue du fait de l'opposition des Comores, je vous rappelle que notre île ne fait toujours pas partie des institutions de son voisinage et ne participe à aucun projet de la Commission de l'océan Indien (COI), dont la France est pourtant membre au titre de La Réunion et dont elle est le principal bailleur de fonds. Il n'y a même pas eu une mention de Mayotte pendant la présidence française de la Commission en 2021. Nos athlètes sont toujours interdits de Marseillaise et de drapeaux tricolores lors des manifestations sportives et l'accueil des Jeux de l'océan Indien dans notre île est pour vous un casse-tête diplomatique.
Là encore, les faits sont têtus, madame Colonna : la politique comorienne du ministère de l'Europe et des affaires étrangères ne produit aucun résultat pour Mayotte. Elle est même un bel exemple de ce qui ne va pas. Depuis l'accord de 2019, la France a versé 150 millions d'euros d'aide aux Comores alors que Mayotte subit une déstabilisation totale de son territoire, organisée par l'immigration comorienne : saturation des services publics, dislocation de l'équilibre social et politique, affaiblissement de l'autorité publique et recul de notre souveraineté. C'est un cas d'espèce de ce que l'Union européenne et l'Otan qualifient de « menace hybride » par instrumentalisation des flux migratoires. Dois-je rappeler que la France est membre de l'Union européenne et de l'Otan ?
Étonnamment, lors des auditions que j'ai menées au nom de la commission des affaires étrangères au sujet du pacte européen sur la migration et l'asile, nos diplomates à Bruxelles ont benoîtement reconnu que la question de la protection des frontières de Mayotte n'était pas soulevée par la France au niveau de l'Union. Madame la ministre, les faits sont là : votre ministère n'est pas mobilisé sur les enjeux migratoires à Mayotte.
Vous seriez pourtant bien inspirée de vous engager davantage pour ce département français, seule terre française habitée du canal du Mozambique, dont le gaz est plus stratégique que jamais pour l'Europe depuis la guerre en Ukraine. Mayotte est par ailleurs vulnérable face à la menace terroriste de Daech, nichée à 500 kilomètres de nos côtes, au Mozambique. Mayotte est aussi un sanctuaire tricolore au large de l'Afrique, un sanctuaire de plus en plus précieux au fur et à mesure que la présence militaire française s'étiole sur le continent. Mayotte et son lagon mériteraient d'être pivot dans la stratégie indopacifique de notre pays : notre île est en capacité d'accueillir un port militaire français en eaux profondes sans subir une cohabitation à la djiboutienne – ce que souligne la loi de programmation militaire. Notre position stratégique est unique. La France ne peut pas, et ne doit pas, s'en passer à cause du contentieux avec les Comores.
Si la guerre en Terre sainte doit nous apprendre quoi que ce soit, c'est que l'on n'enjambe pas les peuples, ni les conflits territoriaux, avec des accords aveugles. Le temps qui passe ne fait qu'envenimer la situation.