La France est-elle seule responsable de son affaiblissement ? Non, évidemment. Avons-nous toujours agi sans commettre la moindre erreur ? La réponse est identique et tout aussi évidente. Pour explorer les conditions de partenariats français renouvelés avec les pays Africains, reconnaissons en premier lieu les erreurs que nous avons commises.
Je ne sais pas si l'opération Barkhane est un échec, mais je sais qu'en matière d'antiterrorisme, une intervention militaire ne constitue pas une politique en soi. La victoire militaire de l'opération Serval au Mali n'affaiblit pas le djihadisme. Si certains chefs ont été éliminés, le rôle politique et économique de ces acteurs dans le tissu local a été sous-estimé et l'approche sécuritaire n'a pas eu l'effet politique escompté.
Fléau de l'esprit, qui se traduit en actes barbares inqualifiables, nous devons lutter de manière intangible contre le terrorisme et ce qu'il représente. Je tiens à souligner le courage de nos forces armées et j'ai une pensée pour les cinquante-huit soldats qui ont perdu la vie au cours des opérations Serval et Barkhane. Leur engagement était sincère et, disons-le, nécessaire. Nous leur en serons à jamais reconnaissants. Mais les groupes djihadistes sont des acteurs politiques à part entière et la première étape pour les vaincre et établir notre stratégie sera de les considérer comme tels.
Si nous voulons reconnaître nos erreurs, nous devons aussi cesser de regarder l'Afrique comme un tout indifférencié. Considérer les États qui la composent comme de véritables partenaires : voilà ce que devra être notre feuille de route. Ainsi, et quelle que soit la nature de nos futurs partenariats, nous devrons apporter toute la considération qu'ils méritent à ces pays, dans le respect de leurs particularismes – vous l'avez dit, madame la ministre – et en admettant que les enjeux qui nous sont propres, ainsi que les objectifs et les priorités qui sont les nôtres, ne sont pas nécessairement les mêmes que les leurs. À cet égard, les partenariats que nous nouerons avec eux ne pourront faire fi de la façon dont ces États envisagent structurellement leurs relations avec les autres forces régionales et internationales, y compris celles avec lesquelles nous sommes en compétition.
Nous devrons ensuite prendre garde à ne pas surestimer les stratégies de désinformation développées par certaines puissances étrangères – sans les sous-estimer non plus, d'ailleurs. Elles sont certes avérées, mais aucun des chercheurs que nous avons auditionnés ne confirme l'existence d'un sentiment antifrançais : une telle expression relève plutôt d'une facilité langagière permettant de donner crédit aux fake news populistes et complotistes qui inondent les réseaux sociaux. Si la colère d'une partie des Africains est renforcée par les actions de désinformation menées par des trolls numériques issus de leurs pays, la communication aléatoire de la France et de son président en a facilité l'influence. Fort heureusement, un champ des possibles s'offre à nous pour améliorer nos relations avec les nombreux pays du continent africain.
Le premier de ces possibles est structurant. Sans verser dans l'autoflagellation, abandonnons notre hubris gaullienne et admettons que le monde dans lequel s'inscrit notre action a profondément changé. La France n'est plus la puissance qu'elle était : acceptons-le ! Faisons preuve d'humilité et admettons ne plus avoir l'influence d'antan. Acceptons-le pour mieux rebondir, afin d'apparaître à nouveau comme un partenaire fiable vis-à-vis de nos alliés. En d'autres termes, changeons de regard sur nous-mêmes pour changer de regard sur les autres. Abandonnons notre ton paternaliste, symbole de la Françafrique