Je me réjouis de débattre avec la représentation nationale, cet après-midi à l'Assemblée nationale et ce soir au Sénat, à la demande de plusieurs groupes politiques. Ce débat fait écho à l'engagement du Président de la République devant les présidents des deux chambres et les chefs de partis réunis à Saint-Denis le 30 août dernier. Il permettra de rappeler les fondamentaux de la coopération militaire avec nos partenaires, d'en clarifier certains aspects si besoin – compte tenu de ce que l'on peut lire ici ou là, cela semble nécessaire – et de faire un point sur les évolutions à venir.
Avant d'en venir plus précisément à la situation sécuritaire et par là même à la présence militaire française sur le continent africain, il est utile de faire un court rappel historique et politique du sens de cette présence. Il convient de souligner la nature de nos engagements militaires, dont certains reposent sur des accords de défense anciens, de tenir compte des particularités des pays dans lesquels nos militaires ont été engagés et, bien sûr, d'évoquer les menaces que nous avons combattues et que nous devons continuer de combattre.
Deux grandes périodes peuvent être distinguées depuis le début des années 2000, pour ne pas remonter plus avant. Tout d'abord, il y a celle des années 2000 à 2010, au cours de laquelle de nombreuses interventions françaises ont été menées dans le cadre de missions d'interposition ou de maintien de la paix sous l'égide des Nations unies. La plus connue est sans doute l'opération Licorne, avec la participation des forces armées françaises au maintien de la paix en Côte d'Ivoire.
Il y a ensuite la période de 2010 à 2020, marquée par la lutte contre les groupes armés terroristes avec les opérations Serval, puis Barkhane, au Sahel, courageusement décidées par le président de la République de l'époque, François Hollande, à la demande, à chaque fois, de nos partenaires au Sahel – Mme la ministre l'a rappelé. Cette menace demeure – nous y reviendrons dans un instant.
Il faut ensuite distinguer les géographies des théâtres d'engagement. Il n'existe pas une seule Afrique – c'est peut-être l'écueil auquel nous nous heurterons dans ce débat –, mais autant de particularités que d'États. Nous ne pouvons pas comparer la lutte contre le terrorisme au Sahel avec celle actuellement menée au Mozambique dans la province du Cabo Delgado. Ainsi, nous ne pouvons pas mettre sur le même plan l'Afrique francophone, l'Afrique anglophone et l'Afrique lusophone, ni même les différentes organisations régionales. Les différences peuvent même être infra-étatiques, mais je m'arrêterai là pour ne pas être trop long.
Il faut enfin discerner les différents types de menaces que nous combattons. Il s'agit tout d'abord de la piraterie et, plus généralement, des enjeux de sécurité maritime dans le golfe de Guinée et dans le détroit de Bab el-Mandeb. Il s'agit ensuite des trafics de tous ordres : d'êtres humains, de drogue ou d'armements. Il s'agit enfin de la menace terroriste, qui n'est pas sans lien avec le point précédent et que nous combattons.
Je ne reviens pas sur le bilan de l'opération Barkhane, largement évoquée dans le rapport d'information sur les relations entre la France et l'Afrique des députés Michèle Tabarot et Bruno Fuchs, que je remercie. Tout le monde s'accorde désormais – enfin ! – à dire que cette opération est un succès militaire incontestable. Nous avons su en tirer un enseignement principal sur le plan politique – dont on peut évidemment débattre : nous ne devons jamais nous substituer à l'action de nos partenaires, en tout cas durant une période trop longue – nous y reviendrons certainement pendant le débat.
Parmi les menaces que la France combat, la plus susceptible de nous toucher directement et de déborder sur l'Europe est bien entendu la menace terroriste, qui a des effets dramatiques sur les populations civiles et soulève du même coup un enjeu migratoire. Ne nous leurrons pas : la reconstitution progressive d'un sanctuaire djihadiste au Sahel, sur le modèle de l'Irak ou de la Syrie, pourrait, à terme, faire peser sur la région et sur l'Europe les mêmes menaces endogènes, projetées ou inspirées, que nous avons connues ces dernières années à partir d'autres théâtres d'opérations.
Il est un principe qui caractérise les missions de combat de nos armées : c'est l'intervention temporaire – on aurait parlé jadis de « logique expéditionnaire ». Les troupes françaises n'ont pas vocation à rester durablement sur un théâtre d'opérations lorsque notre partenaire ne fait pas, ou plus, de la lutte contre le terrorisme une priorité. C'est la raison pour laquelle nos soldats présents au Niger sont en cours de rapatriement vers la France. Comme le Président de la République l'a annoncé, nous aurons quitté ce pays avant la fin de l'année.
Il est légitime de s'interroger aujourd'hui : notre pays devait-il répondre présent lorsque ses partenaires africains lui ont demandé de l'aide il y a plusieurs années ? Je serais curieux d'entendre les positions de chaque groupe sur le sujet.