Il est important de pouvoir débattre dans cet hémicycle des relations que la France entretient avec les pays d'Afrique. Il s'agit d'une priorité de notre politique étrangère et il est donc légitime d'y associer pleinement la représentation nationale. Tout aussi légitimes sont les questionnements qu'ont pu susciter les crises successives au Sahel. Avant de revenir plus en détail sur les actions que nous avons engagées depuis dix ans dans cette zone, je veux insister sur un point essentiel : l'attitude à notre égard de trois juntes militaires ne doit pas occulter les bonnes relations, je dirais même les très bonnes relations, que nous entretenons avec l'immense majorité des cinquante-quatre pays africains. Ce serait une grave erreur de réduire l'Afrique, aussi vaste que diverse, au seul Sahel.
Je commencerai par ce qui va bien, autrement dit nos relations avec la plupart des pays africains. Sous l'impulsion constante du Président de la République, nous avons voulu renouveler notre politique à l'égard du continent africain, démarche qui porte ses fruits.
Vous vous demanderez peut-être, mesdames, messieurs les députés, pour quelles raisons l'Afrique constitue l'une des grandes priorités de notre diplomatie. La réponse réside dans un constat simple : l'Afrique est un continent qui émerge sur le plan économique, sur le plan diplomatique et sur le plan démographique, avec une population de plus d'un milliard d'habitants appelée à doubler d'ici à 2050 et à quadrupler d'ici à 2100 pour représenter le quart de la population mondiale.
Dans les années à venir, elle va compter de plus en plus dans les grands équilibres du monde, dans la croissance mondiale, dans la création, dans l'innovation. C'est aussi en Afrique que se joue l'avenir de la francophonie. L'Afrique, c'est le continent où vivent plus d'un million de Français, dans nos régions et départements de Mayotte et de La Réunion, sans oublier nos 130 000 compatriotes qui résident dans des pays de l'Afrique subsaharienne.
Parce que nous avons besoin de nos partenaires africains pour relever les grands défis qui nous attendent pour la paix, pour la sécurité et pour l'adaptation au changement climatique, il est indispensable que la France noue des relations solides et confiantes avec les gouvernements et les sociétés de l'Afrique.
Il y a encore quelques années, notre dialogue se limitait trop aux crises régionales qui affectaient l'Afrique. Aujourd'hui, nous entretenons un dialogue étroit et exigeant sur l'ensemble de nos sujets d'intérêt communs : la guerre en Ukraine, le climat, les forêts, la réforme de la gouvernance mondiale. Nous avons enrichi ce dialogue en juin dernier, à Paris, lors du sommet pour un nouveau pacte financier mondial, auquel ont participé vingt chefs d'État africains.
La France souhaite toutefois continuer d'aider à résoudre les crises du continent, notamment en soutenant les organisations régionales. Je pense en particulier aux terribles conflits dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC) et au Soudan, où nous sommes en contact avec les deux camps pour faciliter un processus de paix durable – j'échangeais encore ce matin avec mon homologue du Rwanda et hier avec celui de la RDC dans un contexte de remontée des tensions à l'est du pays.
La France accompagne également le processus de sortie de crise en Éthiopie, où je me suis rendue en janvier dernier avec mon homologue allemande, Annalena Baerbock. Nous pouvons aussi être fiers du chemin parcouru avec le Rwanda, grâce à un travail de mémoire honnête et à un engagement diplomatique volontariste qui nous ont permis de relancer nos partenariats bilatéraux.
Mesdames et messieurs les députés, notre diplomatie a un objectif principal en Afrique : que la France soit un partenaire crédible, compétitif et attractif aussi bien pour les acteurs économiques que pour les étudiants, les artistes, les créateurs et l'ensemble des sociétés civiles.
Il faut le dire et le répéter : nos entreprises sont compétitives en Afrique, elles le prouvent chaque jour. La France est aujourd'hui le deuxième investisseur étranger. En quinze ans, le nombre de filiales d'entreprises françaises en Afrique a doublé, de même que nos investissements. Nous aidons nos start-up, nos PME et les entrepreneurs de la diaspora à investir sur le continent en finançant leurs projets ou en facilitant leur accès au marché africain.
Je citerai un seul exemple, celui du Nigeria où je me suis rendue il y a trois semaines : dans cet immense pays de 216 millions d'habitants, qui sera le troisième pays le plus peuplé au monde en 2050, nous avons doublé nos investissements en dix ans.
J'ai bien conscience que ce constat va à rebours de bien des idées préconçues. Les réflexes pavloviens et les images d'Épinal ont un point commun : ils voudraient nous faire croire que tout va forcément mal en Afrique et que la France est forcément à la traîne.