Intervention de Michel Castellani

Séance en hémicycle du jeudi 15 juin 2023 à 9h00
Accompagnement des couples confrontés à une fausse couche — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Castellani :

Je ne me risquerai pas à ce que mes paroles se substituent à celles des familles endeuillées par la perte d'un être cher, né ou non, ce qui est l'une des pires douleurs que des parents puissent subir. Néanmoins, notre devoir de parlementaire est de faire en sorte que ces familles touchées par les fausses couches soient accompagnées du mieux possible par l'ensemble du corps soignant et des aidants psychologiques.

Il n'est pas concevable que nous considérions ce phénomène comme une simple étape de la vie à surmonter. Pendant trop longtemps, les fausses couches ont été perçues comme des fatalités, des épisodes tellement intimes qu'ils ne devaient être vécus que par les seuls parents. Or nous constatons finalement que c'est l'accompagnement actif des familles endeuillées qui constitue l'aide la plus efficace.

C'est pourquoi nous avons plaidé pour l'instauration d'un parcours de soins plus complet, devant débuter, dès la première consultation pour grossesse, par une sensibilisation aux risques de fausse couche, et se poursuivre, le cas échéant, par un parcours de soins et de soutien psychologique proposé systématiquement aux deux parents, de trop nombreuses personnes ayant vu leur rôle cantonné à celui d'assistant dans le deuil. Nous saluons, à cet égard, les dispositions prises pour ouvrir l'accompagnement moral et psychologique aux couples, car ce sont bien les deux partenaires qui sont confrontés à cette épreuve.

Si l'esprit de cette proposition de loi est louable, nous nous interrogeons sur son déploiement à travers le dispositif MonParcoursPsy créé en avril 2022, ce dernier ayant montré des limites liées notamment à des conditions d'accès restreintes ou à un déficit d'attractivité pour les praticiens. À ce titre, et dans le but d'améliorer objectivement l'efficacité de la prise en charge des couples concernés, il paraît indispensable de ne pas ajouter une charge supplémentaire à des parents déjà éprouvés.

Toujours dans la perspective de faciliter les démarches et l'accompagnement liés au deuil consécutif à une fausse couche, nous nous félicitons de la suppression du délai de carence en cas d'arrêt maladie. Nous persistons toutefois à penser qu'il conviendra de s'orienter vers un congé spécifique en cas de fausse couche. Un tel événement dépasse en effet le strict cas médical et constitue un deuil à part entière. Il ne s'agit pas d'un épisode passager et récurrent, mais bien d'un chapitre majeur de la vie des personnes concernées : il mérite d'être considéré comme tel.

Pour faire face à la dépression et à l'anxiété induites par une fausse couche, c'est, au-delà d'une présence active à leur côté, de temps disponible dont les parents ont besoin. La protection contre le licenciement pendant les dix semaines suivant une interruption spontanée de grossesse va dans ce sens, en permettant aux femmes touchées par ce drame de se consacrer à leur reconstruction sans que celle-ci soit entravée par l'angoisse de perdre leur emploi.

Les conclusions de la commission mixte paritaire nous semblent satisfaisantes sur ce point. Elles comportent de grandes avancées en matière de reconnaissance de la fausse couche, mais également concernant les modalités d'accompagnement des personnes à travers une prise en charge adaptée. Il nous semble néanmoins nécessaire d'élargir les dispositifs de parcours de soins coordonnés et automatiques après ces évènements tragiques, afin de répondre efficacement aux besoins de personnes qui pourraient ne pas avoir la force nécessaire pour supporter des charges administratives trop lourdes.

Plus largement, le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires appelle à poursuivre le travail en l'inscrivant dans la perspective plus large de la santé sexuelle. Cette considération renvoie à la difficulté d'accéder à des praticiens spécialisés dans bon nombre de territoires. Rappelons qu'une immense partie de la France est un désert médical : en 2021, treize départements étaient dépourvus de gynécologue et soixante-dix-sept départements affichaient un taux inférieur à la moyenne de 2,7 gynécologues pour 100 000 femmes en âge de consulter.

Le champ de la recherche sur les causes des fausses couches, en particulier lorsqu'elles surviennent de façon répétée, doit aussi être plus largement investi. Il en va de même pour la recherche sur les causes de l'infertilité. À ce titre, la prévention des maladies comme l'endométriose, qui touche une femme sur dix, devrait être systématique et gratuite.

Malgré cette remarque, vous l'aurez compris, le groupe LIOT soutiendra cette proposition de loi, qui va dans le bon sens et constitue un levier supplémentaire dans l'aide et l'accompagnement des familles.

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