Je n'ai pas l'habitude de prendre la parole après les orateurs inscrits sur l'article, mais je le ferai exceptionnellement, car exposer dès maintenant la philosophie globale de l'article 7 me permettra sans doute d'être plus concis en répondant aux amendements.
Premièrement, ce débat n'est pas nouveau. Il concerne la nature même des lois de programmation : dans quelle mesure une telle loi doit-elle sanctuariser certaines dispositions ? Dans quelle mesure faut-il, au contraire, prévoir suffisamment de souplesse pour la soumettre à nouveau démocratiquement au Parlement, infléchir certaines orientations et, le cas échéant, procéder à des correctifs ?
Je pense que nous commettrions une erreur si nous prévoyions des actualisations trop fréquentes. J'affirme cela non sans gravité, car on nous a reproché de ne pas donner suffisamment de visibilité sur l'évolution de certains programmes. Or le raccourcissement des intervalles entre les actualisations accroît le doute et le soupçon quant à la possible remise en cause de programmes majeurs. Dans la conception gaullienne de Michel Debré, premier ministre, et de Pierre Messmer, ministre des armées, auteurs de la première loi de programme militaire en 1960, il est essentiel de permettre une visibilité à long terme des programmes liés à la dissuasion, quels que soient les succès et les difficultés industriels – car cette aventure n'a pas été un long fleuve tranquille. Bien leur en a pris, car si les actualisations du programme avaient été trop fréquentes, l'aventure de la dissuasion n'aurait certainement pas été menée à son terme – je ne reviens pas sur certaines coopérations que nous avons évoquées la semaine dernière.
Si le Parlement procédait à des actualisations très régulières, Mme Thomin ou Mme Pic auraient alors raison de dire qu'il ne s'agit plus d'une LPM pour les années 2024 à 2030, mais d'une LPM pour les années 2024 à 2026. Une telle incertitude serait immanquablement génératrice d'insécurité pour les armées et surtout pour les industriels. Il importe donc de garder une vision à long terme sur cette période qui ne durera, après tout, que six ans.
Deuxièmement, le vote par le Parlement d'une loi s'appliquant de 2024 à 2030 sans aucune actualisation ne correspondrait pas au temps démocratique moderne. En outre, force est de reconnaître que l'absence d'actualisation des lois de programme nous a fait prendre du retard par le passé – je ne reviens pas sur nos multiples échanges au sujet des drones. Faire actualiser la loi par le Parlement a du bon, car cela oblige l'ensemble du complexe militaire français – la BITD, les armées ou encore la DGA – à se reposer les bonnes questions. Si une LPM précise à laquelle je pense avait fait l'objet d'une révision, l'émergence de certaines technologies, comme les drones, aurait certainement occupé une place bien plus centrale dans le débat politique et militaire.
Troisièmement, je ne veux pas qu'on fasse l'impasse trop vite sur la LFI : non pas La France insoumise, mais la loi de finances initiale.