Intervention de Françoise Nyssen

Séance en hémicycle du mardi 14 novembre 2017 à 15h00
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 - projet de loi de finances pour 2018 — Culture

Françoise Nyssen, ministre de la culture :

Je partage cette conviction et suis ici pour la porter.

En vous présentant le premier budget pour la culture de ce quinquennat – un budget qui n'est pas seulement préservé, comme le Président de la République s'y était engagé, mais conforté – , je vous présente bien plus que le budget d'un ministère aujourd'hui.

L'ambition donnée à la culture, dans un projet politique, est toujours le miroir d'une ambition de civilisation. Le Président de la République l'a dit, tout au long de la campagne, et réaffirmé devant l'ensemble du Congrès : la culture est au coeur de son projet, celui qui doit permettre à la France de relever les défis du XXIe siècle, qui doit rendre à notre pays son optimisme et permettre à chacun de trouver sa place dans la société.

L'exclusion touche une part croissante de nos concitoyens, qu'elle soit réelle ou ressentie, qu'elle soit sociale, géographique ou économique. Face à elle, la culture a un double pouvoir essentiel : celui de ramener dans le jeu tous ceux qui en sont éloignés et celui de donner du sens à la solidarité.

La culture est ce qui, individuellement, nous tient le plus solidement debout et ce qui, collectivement, nous tient le plus solidement ensemble.

Mais pour que la culture joue ce rôle, il faut combattre les inégalités qui la traversent : faire tomber les déterminismes, les complexes et les barrières qui contraignent de nombreux citoyens dans leurs choix culturels.

C'est ici ma mission.

Je me battrai pour que chacun, dans notre pays – qu'il vive en ville ou à la campagne, qu'il ait sept ou soixante-dix-sept ans, qu'il soit professeur ou ouvrier, qu'il soit né ici ou à l'étranger, et j'insiste sur ce point – , puisse pratiquer un art, appréhender l'histoire et ressentir devant l'immensité de la création l'élan singulier que chacun dans cet hémicycle a sans doute un jour éprouvé.

Pour cela, nous allons déployer une politique culturelle de proximité. Pour rééquilibrer l'effort en faveur des territoires, la part de crédits déconcentrés augmentera en 2018. Et pour aller à la rencontre de tous, en particulier de ceux qui sont aujourd'hui sur le bord de la route, nous nous appuierons sur une poignée de relais privilégiés.

L'école, pour commencer.

La culture doit structurer la vie de chaque enfant pour guider celle de chaque citoyen. Nous ferons, d'ici 2022, de la pratique artistique et de la lecture une réalité hebdomadaire pour tous les élèves. La hausse significative du budget de l'éducation artistique et culturelle sert cette ambition. Pour prolonger cette politique, nous mettrons en oeuvre dès 2018 un « Pass culture », passeport culturel vers l'âge adulte et la citoyenneté.

Le second relais de notre politique, ce sont les bibliothèques, dont nous souhaitons faire des maisons de service public culturel. On en compte autant que de bureaux de poste : elles constituent le premier réseau culturel de proximité. Dès 2018, l'État les aidera à ouvrir plus, en accompagnant financièrement les collectivités territoriales, et mieux, en accompagnant le regroupement de différents services.

Le troisième relais de notre politique est le patrimoine, car il est réparti sur tout le territoire. Près de la moitié des monuments historiques sont situés dans des communes de moins de 2 000 habitants. La mise en valeur du patrimoine peut nous aider à ramener de la vie là où les commerces ferment, là où les transports en commun se font rares, là où l'exclusion frappe. Nous augmenterons le budget consacré à sa restauration et à son entretien.

Le quatrième relais fondamental de notre politique – j'aurais pu commencer par lui – , ce sont les artistes et les créateurs, parce qu'il n'y a pas de vie culturelle sans eux et qu'ils savent, mieux que personne, établir la proximité voulue entre une oeuvre et un être humain. Nous conforterons leur soutien et nous réserverons des moyens nouveaux aux projets qui touchent les publics et les territoires éloignés.

Je dirai un mot, enfin, sur la compensation de la hausse de la CSG pour les artistes-auteurs, car nombre d'entre vous se sont mobilisés : je suis heureuse de vous annoncer qu'une solution a été trouvée. Elle portera sur la retraite de base et sera inscrite dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Mesdames et messieurs les députés, derrière ce budget pour 2018, c'est plus que le projet d'un ministère qui se joue : c'est la France, c'est la promesse de civilisation que nous offrons à nos enfants.

Je voudrais finir en rappelant l'histoire d'un jeune homme, Janek, narrateur de l'Éducation européenne de Romain Gary. Pendant la Seconde Guerre mondiale, il vit des mois terré au fond d'un trou, dans la forêt, parmi les résistants polonais. Dans le cauchemar de la peur, du froid et de l'obscurité, il tient sa survie à trois choses : l'amour de celle qu'il rencontre ; l'amitié de ceux qui l'entourent ; et la culture. Il trouve sa raison d'être, au sens premier, dans les poèmes qu'il lit, dans les airs de piano qu'il part écouter au péril de sa vie et dans la grâce d'un violoniste qui, en quelques notes, fait « sortir le monde du chaos ». « Au commencement mourut la haine, écrit-il, aux premiers accords la faim ».

Mesdames et messieurs, l'amour et l'amitié ne relèvent pas de nous. La culture, si. Elle peut changer des vies. Voilà la détermination que sert ce budget aujourd'hui.

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