Intervention de Didier Quentin

Séance en hémicycle du mercredi 26 septembre 2018 à 15h00
Accord de dialogue politique et de coopération entre l'union européenne et cuba — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDidier Quentin, rapporteur de la commission des affaires étrangères :

En revanche, l'exercice des libertés publiques, d'expression, de rassemblement ou d'association, notamment, fait l'objet de fortes restrictions, tant légales qu'informelles. Je note que la peine de mort n'a pas été abolie, mais l'ambassadeur de Cuba à Paris nous a assuré qu'elle n'était plus appliquée. Plusieurs organisations de la société civile sont victimes de vexations multiples, de poursuites judiciaires, voire d'arrestations. Je rappelle qu'en 1997 – j'étais déjà député – , notre ancienne collègue, députée du Nord, Françoise Hostalier, avait lancé une opération de parrainage de détenus politiques cubains, à laquelle nous avions été nombreux à participer. Les journalistes indépendants connaissent aussi de grandes difficultés, puisque l'État dispose du monopole en matière de presse écrite et audiovisuelle. Cuba est classée à la 172e place sur 180 pour la liberté de la presse.

Le développement d'internet a cependant permis l'apparition de nouveaux modes d'expression pas ou mal contrôlés par l'État, comme des blogs ou des réseaux sociaux. Leur combat, souvent soutenu depuis l'étranger, n'a toutefois que peu d'impact auprès de la population, qui souhaite surtout une amélioration de ses conditions de vie.

En matière de droits humains, la France privilégie une approche européenne dans le cadre du dialogue de haut niveau sur les droits de l'homme. La troisième et dernière session en date a eu lieu le 22 mai 2017 à Bruxelles. Sans produire de miracle, il semble que ce processus de dialogue porte davantage ses fruits que la logique de fermeture adoptée par les États-Unis. Nous devons donc la poursuivre. La prochaine réunion de haut niveau sur les droits de l'homme aura lieu au début du mois d'octobre à Cuba, comme l'a rappelé Mme la ministre il y a quelques minutes.

Sur le plan environnemental, l'accord comporte un volet relatif au développement durable et aux questions écologiques et climatiques. C'est un axe fort de coopération, où la France doit faire valoir ses atouts dans un contexte de redéfinition de la politique énergétique cubaine. En effet, l'énergie demeure l'un des principaux talons d'Achille de Cuba, si je puis m'exprimer ainsi. L'île, largement dépendante des importations de combustibles fossiles, a subi successivement l'effondrement de l'Union soviétique, à la fin des années 1980, puis la grave crise économique du Venezuela, depuis 2016. La production électrique cubaine est assurée par un parc vieillissant de centrales thermoélectriques fonctionnant essentiellement au pétrole et au gaz. La nouvelle politique énergétique cubaine a donc pour objectifs l'augmentation de la production électrique, l'augmentation de la part d'énergies renouvelables et une meilleure efficacité énergétique. La France doit saisir cette occasion pour faire valoir son expertise.

Enfin, sur le plan économique, le but de l'accord est de créer un environnement plus favorable, prévisible et transparent pour les opérateurs économiques. Il faut cependant noter que l'accord ne contient aucun volet relatif à la libéralisation de lignes tarifaires et que la protection des investissements n'est pas couverte. Pour la France, de nouvelles opportunités s'ouvrent dans des domaines prioritaires tels que le tourisme, l'énergie, les infrastructures, la santé, les transports ou l'agroalimentaire.

La signature de contrats par des entreprises françaises, comme récemment dans le cadre de la reconstruction de l'aéroport de La Havane, illustre ce rapprochement. Mais il y a encore des marges de progression, notamment pour ce qui est des flux commerciaux et de la facilitation des investissements. En effet, l'ambassadeur de Cuba nous a fait part des difficultés des banques françaises à travailler sur place alors que des banques canadiennes ou espagnoles y parviennent. Il y a là un sujet important à creuser avec le ministère de l'économie et des finances.

Je soulignerai enfin que les processus de ratification sont en cours. À ce jour, l'accord a été ratifié par onze États membres de l'Union : la Bulgarie, la République tchèque, l'Allemagne, l'Estonie, la Hongrie, la Lettonie, la Finlande, le Danemark, l'Espagne, le Luxembourg et la Slovaquie.

Notre commission des affaires étrangères a émis un avis favorable à l'adoption du présent projet de loi, avec toutefois quelques abstentions justifiées par la situation des droits humains et des libertés publiques. Nous pouvons ainsi donner un signal positif à un pays dont le poids politique en Amérique latine est important. Au-delà des divergences idéologiques, Cuba est pour l'Amérique latine, y compris pour le Mexique, un pays dont la voix compte.

La ratification de cet accord est cohérente avec nos engagements puisque, je le répète, chers collègues du groupe Les Républicains, c'est la France qui, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, a joué un rôle moteur dans le rapprochement entre Cuba et l'Union européenne.

Monsieur Mélenchon, j'ai dit en commission que, dans ma jeunesse, je n'avais pas d'affiche de Che Guevara dans ma chambre d'étudiant.

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