Intervention de Arnaud Richard

Séance en hémicycle du 23 janvier 2013 à 15h00
Contrat de génération — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaArnaud Richard :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le ministre délégué, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je tiens d'abord à vous féliciter de la qualité du travail que nous avons fourni sur ce texte. Y ont participé aussi bien les députés, sur tous les bancs de cette assemblée, que les ministres présents dans l'hémicycle.

Nous nous sommes efforcés de travailler de façon constructive sur ce sujet majeur qu'est l'emploi. Notre seule préoccupation, traduite par les amendements que nous avons défendus, a été de rendre le contrat de génération efficace et opérationnel, à défaut de la politique beaucoup plus ambitieuse sur l'emploi, la formation et l'apprentissage que nous souhaitons voir mise en oeuvre.

Admettez d'abord que le terme de contrat de génération est un abus de langage. Le projet soumis à notre vote est bien loin de la proposition faite durant la campagne. En effet, le contrat de génération ne se traduira pas – ou très rarement – par une transmission effective des savoirs et des compétences entre un senior et un jeune. Autrement dit, messieurs les ministres, vous créez un leurre intergénérationnel aux apparences flatteuses. Vous partez d'un bon diagnostic – celui de la difficulté pour les entreprises de libérer du temps pour encadrer des jeunes arrivants – et d'une belle idée – celle du lien générationnel dans l'entreprise –, mais vous ne parvenez pas à leur donner du sens ni un véritable contenu. Je crois qu'il eût été plus sage de conserver, quitte à les améliorer, les dispositifs qui existaient jusque-là au bénéfice des seniors, dispositifs que vous assouplissez au risque d'en affaiblir l'efficacité.

Le texte aurait au moins pu distinguer l'accueil du jeune en entreprise du travail de transmission des savoirs techniques, de sorte qu'un parrainage par un senior soit effectivement réalisable. Nous vous l'avons proposé, vous l'avez refusé. Plus concrètement encore, le texte n'évoque pas la territorialisation du contrat de génération. C'est bien dommage. Pourquoi ne pas prévoir un « bonus » pour les entreprises qui intégreraient des jeunes venant de quartiers difficiles, où le taux de chômage atteint les 40 % ?

Pour autant, monsieur le ministre, je vous remercie d'avoir donné un avis favorable à notre amendement relatif à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences territoriales. Malheureusement, votre majorité ne vous a pas suivi : c'est bien dommage. Il est vrai que vous avez été à l'écoute de nos nombreuses propositions relatives à l'amélioration des conditions de travail des seniors, au principe du temps plein – que nous avions adopté à l'unanimité en commission et sur lequel vous êtes, hélas ! revenu –, à la garantie de l'égalité professionnelle entre hommes et femmes et à la lutte contre les discriminations à l'embauche. Pour ce qui concerne la formation – vous savez à quel point nous y sommes attachés –, seuls quelques amendements ont été adoptés. Ils ne modifient que marginalement, il faut bien le dire, le texte.

Tout compte fait, en dégradant les dispositifs proposés aux seniors par rapport à ceux qui existent déjà et en ne répondant qu'insuffisamment au véritable enjeu de l'employabilité de la jeunesse, ce projet de loi ne nous semble pas être à la hauteur de ses ambitions. Malheureusement, une fois encore, nous regrettons le manque d'ambition de ce texte concernant la formation et la qualification professionnelle. Sous le prétexte juridique qu'il s'agit là d'un contrat de droit commun et non d'un contrat aidé, vous avez négligé le coup de pouce déterminant qu'aurait pu apporter une formation élargie, seule susceptible d'ouvrir aux jeunes les portes d'un cursus professionnel.

Enfin, pour faire face aux risques d'effet d'aubaine intrinsèquement liés à ce type de dispositif, vous en arrivez à des excès surprenants. Vous considérez notamment que tout licenciement d'un senior doit empêcher le recrutement d'un nouveau senior non seulement sur le même poste, ce qui se comprendrait, mais dans la même catégorie d'emploi. Vous bloquez ainsi potentiellement une démarche globale de gestion des ressources humaines. Là encore, nous craignons que le remède soit pire que le mal.

Dans la même veine, vous avez instauré un contrôle par l'administration des accords d'entreprise et des plans d'action. Là encore, vous faites preuve d'une certaine méfiance à l'égard des entreprises et prenez ainsi le risque de retarder et de complexifier des procédures jusqu'à les rendre décourageantes. Enfin, ne fallait-il pas mieux définir le public visé par ce contrat de génération ? Sans aller jusqu'à élargir la cible à celle des emplois d'avenir, le dispositif aurait gagné en efficacité s'il avait été recentré sur les jeunes non diplômés de l'enseignement supérieur.

Mes chers collègues, alors que la souplesse, la confiance et le contrat entre les partenaires sociaux sont les premiers gages de la réussite de la bataille pour l'emploi, ce texte introduit plus de cadres, de strates, de contrôles et de sanctions. Alors que ce projet de loi néglige l'obligation d'objectif, nous considérons que la compétence et la formation sont la garantie d'un travail durable. Enfin, les mots doivent avoir un sens précis ; or ce texte ne traduit pas concrètement cette belle idée de solidarité intergénérationnelle et le grand chantier qui reste à ouvrir sur la transmission des savoirs et des savoir-faire.

Tirant les conséquences de cette analyse, messieurs les ministres, nous ne pouvons que nous abstenir sur ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

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