Intervention de Michel Piron

Séance en hémicycle du 4 novembre 2015 à 21h30
Projet de loi de finances pour 2016 — Égalité des territoires et logement

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Piron :

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, madame et messieurs les rapporteurs, chers collègues, le budget qui nous est proposé laisse un sentiment partagé.

L’année 2014 a certainement été l’une des plus difficiles pour le secteur du logement, avec moins de 300 000 mises en chantier. Ce chiffre, largement inférieur au niveau des années 2000, et plus encore des années 2010, représente un repli considérable de 10 % par rapport à l’année 2013.

Nous n’avons jamais aussi peu construit dans notre pays, alors même que la relance de la construction est la clé de voûte de toute politique du logement. Dois-je répéter que c’est d’abord l’insuffisance de l’offre par rapport à la demande qui est au coeur même de la hausse des prix tant pour l’accession que pour la location ?

Le constat est donc sans appel : l’objectif de 500 000 logements par an n’est plus tenable. Mais l’a-t-il jamais été ? Si cette perspective a pu sembler louable, depuis trois ans le Gouvernement ne s’est jamais vraiment donné les moyens d’une telle ambition. Dans ce contexte, est-il raisonnable de maintenir un objectif que nous pouvons désormais unanimement qualifier d’utopique ? Est-il raisonnable de continuer à privilégier l’affichage politique plutôt que le réalisme ?

Si ces chiffres sont révélateurs des failles de notre politique du logement, je tiens également à rappeler l’importance de disposer de statistiques plus fiables dans ce domaine. Les nombreuses incertitudes qui planent autour des données relatives au logement sont loin d’aider les décideurs publics, qui ont besoin d’indicateurs crédibles pour mener leurs politiques. Au-delà des données nationales, je reste convaincu de l’importance de disposer de chiffres plus précis à une échelle géographique plus restreinte.

Cela constituerait assurément un premier pas vers une régionalisation – que je crois nécessaire – de notre politique du logement. Doit-on continuer à appliquer les mêmes mesures en Île-de-France, où l’offre demeure très insuffisante, et dans le Limousin, où la vacance des logements ne cesse de s’accroître ?

La surenchère des mesures techniques participe également à l’illisibilité de notre politique du logement. À titre informatif, je rappelle que, selon les experts, les deux tiers de la hausse de 53 % des prix du logement, qui a eu lieu au cours des dix dernières années, sont imputables à l’empilement normatif.

Ces questions, nous ne pouvons plus indéfiniment les repousser, dans un contexte où les moyens financiers se réduisent. Le Gouvernement doit tout mettre en oeuvre pour relancer prioritairement la construction. Si cette exigence n’est pas manifeste dans un budget pour 2016 en demi-teinte, plusieurs mesures ont néanmoins permis d’opérer une inflexion indiscutable.

De récents chiffres annoncent d’ailleurs une légère reprise de la construction de logements neufs pour 2016. C’est de bon augure, mais il faudra redoubler d’efforts pour concrétiser ces premiers signes positifs.

Le dispositif dit « Pinel » constitue par exemple un premier pas intéressant pour débloquer l’investissement locatif. En introduisant une part de flexibilité, en élargissant le champ des locataires aux ascendants et descendants, il a su convaincre de nombreux acquéreurs et investisseurs.

Je salue également les annonces faites par le Président François Hollande pour relancer le prêt à taux zéro : relèvement des montants empruntés et des plafonds de ressources, différé d’amortissement porté à cinq années minimum, élargissement du PTZ aux logements anciens sous conditions de travaux. De telles mesures me semblent d’autant plus importantes que ce dispositif a fait ses preuves en aidant les primo-accédants, notamment en milieu rural.

La réforme des aides personnelles au logement était également attendue. J’ai toujours été perplexe face au postulat selon lequel ces aides seraient systématiquement inflationnistes. Leur impact peut-il être similaire en Île-de-France et dans les Pays-de-la-Loire, en Rhône-Alpes et en Champagne-Ardenne ? C’est peu probable.

Je me réjouis également de voir que le Gouvernement a su revenir sur la réforme de l’APL accession, proposée l’an dernier à l’issue de la loi de finances pour 2015. Cette mesure, non seulement injuste mais économiquement incompréhensible, risquait d’interdire aux ménages modestes de devenir acquéreurs et de coûter plus cher qu’elle ne rapportait.

Loin, certes, du milliard d’économies annoncé par Michel Sapin il y a quelques mois, la réforme retenue permet de recentrer sur les ménages les plus modestes un dispositif qui commençait à s’essouffler. Je m’interroge néanmoins sur la mesure visant à mieux cibler les APL sur les étudiants. Si j’en approuve le principe, il faut impérativement préciser que ce ciblage ne s’applique que lorsque l’étudiant est rattaché au foyer fiscal de ses parents.

Quant à la création du Fonds national des aides à la pierre, j’aimerais savoir avec quelles ressources vous comptez l’abonder. Si je note l’augmentation des crédits pour les aides à la pierre, prévue par voie d’amendement, ce nouveau fonds me laisse perplexe.

Enfin, je ne peux que saluer l’augmentation des crédits consacrés à l’hébergement d’urgence, dans un contexte international très difficile et alors que la France se doit d’être solidaire de l’Europe en matière d’accueil des réfugiés.

Si le Gouvernement a su opérer un changement de cap non négligeable dans sa politique du logement, de nombreuses questions restent posées à l’ensemble des acteurs de la construction, tant sur les perspectives que sur les contraintes qui pèsent lourdement sur leurs activités.

Pour toutes ces raisons, le groupe UDI s’abstiendra sur ce budget.

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