Intervention de Sandrine Mazetier

Séance en hémicycle du 25 juin 2015 à 15h00
Réforme de l'asile — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSandrine Mazetier, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République :

Je voudrais tout d’abord remercier Mme Allain. Je comprends, et regrette, qu’elle confirme que le groupe écologiste s’abstiendra sur ce texte, et je réaffirme ce que j’ai déjà eu l’occasion de dire : la procédure accélérée n’est en aucun cas une sous-procédure. Elle offre absolument les mêmes garanties d’entretien individuel, en présence d’une tierce personne qui peut être soit un avocat soit un représentant d’association de défense des droits de l’homme, des droits des femmes ou des droits des enfants. Il y a donc une confusion, et je regrette que l’on n’ait pas réussi à la lever, en particulier en ce qui concerne les mineurs. Un mineur peut avoir besoin d’être protégé de manière extrêmement rapide et la procédure accélérée peut offrir une protection supplémentaire par rapport à une procédure normale qui dure trois mois.

Pour répondre à M.Rochebloine, je dirai que nous n’avons pas excessivement allongé le délai à l’expiration duquel le dépôt d’une demande d’asile est considéré comme tardif : 120 jours au lieu de 90 jours, ce n’est guère qu’un mois de plus. Je tiens à souligner le caractère uchronique des propos de M. Rochebloine qui a évoqué le rapport du président Vigier pointant l’inflation du contentieux. En effet, cette réforme vise précisément à régler une forme d’inflation et à rétablir des délais compatibles avec le respect du droit et des droits des personnes.

Monsieur Serville, vous avez exprimé la position du groupe auquel vous appartenez. Je vous remercie d’avoir salué les avancées très réelles et très concrètes qui caractérisent ce texte, même si, encore une fois, je regrette que le groupe GDR s’en tienne à la position qu’il avait déjà exprimée. Je voudrais néanmoins vous rassurer sur la prise en compte par ce projet de loi des situations particulières, en particulier celle de la Guyane. Simplement, nous y avons veillé en première lecture, et les dispositions concernées ne figurent plus parmi celles soumises à notre examen en nouvelle lecture. Je vous invite cependant à prendre connaissance des alinéas 4, 5 et 6 de l’article 20, qui n’est plus en discussion. Votre rapporteure a en effet souhaité que soit créé un observatoire de l’asile en outre-mer, précisément parce que l’outre-mer se caractérise par une situation spécifique, un éloignement, aussi, qui font que les délais sont encore plus longs qu’ailleurs, et cette situation est parfois mal prise en compte ou, en tout cas, méconnue par les responsables politiques de l’hexagone. Votre préoccupation est donc d’ores et déjà satisfaite et j’ose espérer que cette attention particulière vous permettra, à titre personnel, d’exprimer un vote différent de celui du groupe auquel vous appartenez.

Je veux remercier les deux oratrices et l’orateur du groupe socialiste, qui ont rappelé les fortes convictions du groupe socialiste sur cette réforme, sur les moyens nécessaires à son succès et sur l’urgence de l’adopter – c’est ce qu’a fait tout particulièrement Mme Crozon.

M. Mariani est un connaisseur, parce qu’il a été lui-même rapporteur, et pas seulement : il a aussi été porte-parole de son groupe sur le sujet au cours d’autres législatures. C’est pourquoi je trouve abusif, de sa part, de dire que la France a toujours su accueillir les persécutés. Ce n’est malheureusement pas le cas. Sous la majorité à laquelle vous apparteniez, cher collègue, le système d’accueil était déjà totalement saturé. Les rapporteurs budgétaires l’indiquaient budget après budget, comme la Cour des comptes. Les lois de règlement le relevaient également à chaque exercice budgétaire, et vous n’avez rien fait, vos ministres n’ont rien fait. Ils ont même organisé l’embolie du système. Vous avez dit que la Cour des comptes estimait, dans son rapport, qu’elle a elle-même qualifié de partiel et partial, que nous étions au bord de l’embolie. Nous ne sommes pas « au bord » de l’embolie, nous y sommes totalement, et, avec cette réforme, nous allons sortir de cette situation, monsieur Mariani ! Alors que de 2007 à 2012, à peine 2 000 places en centres d’accueil pour demandeurs d’asile ont été créés, il est dommage que vous ne souligniez pas que ce gouvernement en aura réalisé deux fois plus avant même l’année 2015, sans parler des annonces du 17 juin dernier.

Loin de ne présenter aucune solution à l’allongement des délais, ce texte répond précisément à leur dérive continue. Je vous rappelle en outre que la majorité à laquelle vous apparteniez a elle-même ajouté un verrou supplémentaire au système, en conditionnant le dépôt d’une demande d’asile à une domiciliation tout en refusant par ailleurs de reconnaître des associations pour réaliser ces domiciliations. Cela a conduit à l’embolie en amont de tout le système : c’est ce que nous corrigeons.

Cela n’a pas été dit, aussi je tiens à le rappeler : avec ce projet de loi, précisément, le dépôt d’une demande d’asile ne sera plus subordonné à une domiciliation. De ce seul fait, le délai moyen de vingt-quatre mois pour l’instruction des demandes d’asile – lequel ne tient même pas compte des délais préalables de dépôt et d’enregistrement de la demande – sera considérablement réduit.

Vous avez par ailleurs expliqué que le Gouvernement a rejeté avec « une certaine arrogance » votre proposition que le rejet de la demande d’asile vaille obligation de quitter le territoire français. Mais, de même qu’il n’y avait aucune arrogance dans les propos tenus par Mme Létard au Sénat, il n’y en avait pas à constater que les dispositions que vous proposiez étaient inadaptées sur le plan juridique et inefficaces sur le plan pratique. Les objectifs que vous visiez à travers elles n’auraient pu être atteints : je tenais à le préciser.

Vous avez également appelé à une politique « ferme » en matière d’asile. Je ne connais qu’une politique de fermeté en ce domaine : c’est de respecter la convention de Genève, la convention européenne des droits de l’homme et les règles de l’État de droit. C’est cela, la fermeté en matière d’asile, monsieur Mariani.

Enfin, vous avez parlé d’une Europe « défaillante ». Je vous remercie d’avoir évoqué le cas de la Turquie, mais on pourrait évoquer beaucoup d’autres pays qui accueillent des centaines de milliers de personnes fuyant Daech ou d’autres groupes terroristes, ou des régimes tortionnaires et dictatoriaux. Oui, l’Europe reçoit beaucoup moins de demandeurs d’asile et de personnes fuyant les persécutions que le reste du monde. Il est bon que nous en ayons conscience, dans cet hémicycle : c’est pourquoi je vous remercie de ce rappel.

Je voudrais, en votre nom à tous et à toutes, rendre hommage à l’OFPRA, qui accomplit un travail vraiment remarquable, particulièrement en ce moment, et à toutes celles et ceux qui, au ministère de l’intérieur ou à l’OFII, aident à gérer l’urgence humanitaire à laquelle nous sommes confrontés. Je remercie celles et ceux qui ne sont pas présents aujourd’hui dans l’hémicycle, pour de nombreuses raisons liées à l’actualité, notamment la grève des chauffeurs de taxi en protestation contre Uber, et qui ont pourtant contribué à nos débats et ont enrichi le texte : je rends hommage au remarquable travail effectué par Jeanine Dubié et Arnaud Richard – qui n’a pu être là ce soir –, ainsi qu’à tous les membres du Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques de notre Assemblée, devant lequel a été déposé le célèbre rapport Dubié-Richard sur l’évaluation de la politique d’accueil des demandeurs d’asile.

Je salue également Sergio Coronado, qui aurait sans doute aimé être présent – mais Brigitte Allain porte cet après-midi avec talent la voix du groupe écologiste. Enfin, je rends hommage aux collaborateurs de nos différents groupes, qui travaillent beaucoup sur ces questions, notamment la collaboratrice du groupe SRC. C’est le dernier texte sur lequel elle aura travaillé ici, puisque, heureusement pour elle, malheureusement pour nous, elle nous quitte pour une belle nouvelle vie professionnelle, laquelle d’ailleurs ne l’éloignera pas tant que cela de l’Assemblée nationale, puisqu’elle va rejoindre un cabinet ministériel : je veux parler de Camille Pérez, que je tiens à remercier.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion