Intervention de Éric Ciotti

Séance en hémicycle du 2 avril 2015 à 15h00
Légitime défense des policiers — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Ciotti, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République :

…et de la Cour de cassation. Le premier alinéa de son article unique ne contrevient pas aux exigences de la jurisprudence de la CEDH. Il ne vise pas la force armée, il se borne à poser, d’une manière générale, le principe d’une irresponsabilité pénale lorsqu’on se défend face à une atteinte. Ce principe doit se comprendre, évidemment, à l’aune du droit européen et s’applique dans une série très limitée de cas dans lesquels le recours à la force armée est autorisé. Vous avez rappelé que l’usage de celle-ci doit répondre, c’est un élément essentiel de la jurisprudence, aux exigences de nécessité et de proportionnalité, mais elles sont bien rappelées dans la proposition de loi. L’utilisation de la force armée en cas de danger imminent ou de violences graves et la riposte mesurée face à un danger patent sont des notions qui irriguent ce texte et qui assurent une parfaite adéquation de la riposte aux intérêts à défendre.

Monsieur le ministre, je crois qu’il faut faire avancer aujourd’hui notre droit. M. Dominique Raimbourg rappelait tout à l’heure cette image qui a choqué, qui a bouleversé les Français, l’image de ce policier abattu, achevé sur un trottoir de Paris. Je rappellerai cette autre image de la manifestation du 11 janvier dernier, celle de ce citoyen qui embrasse un CRS, une image qui en efface d’autres que l’histoire, notamment en mai 1968, avait gravées.

Aujourd’hui, nous ne sommes plus dans le même contexte. L’uniforme ne protège plus, il expose. Si nous ne prenons pas aujourd’hui nos responsabilités, nous serons contraints d’y revenir. Alors n’attendons pas que des événements encore plus graves, encore plus tragiques ne surviennent. Prenons aujourd’hui nos responsabilités.

Il ne s’agit ni de présomption de légitime défense, en aucun cas, ni de permis de tuer, à plus forte raison. Cette proposition équilibrée est le fruit d’une réflexion, elle a été approuvée par la plupart des organisations syndicales, elle a été l’objet d’un travail mené par la première organisation syndicale, Alliance, majoritaire aujourd’hui chez les gardiens de la paix.

Elle est attendue, elle est réclamée, et elle introduit trois innovations majeures en termes juridiques. Elle introduit notamment la notion de danger imminent dans le cadre des raisons qui peuvent légitimer le recours d’un détenteur de l’autorité publique à la force armée. C’est un point qui a été soulevé pendant les auditions par la directrice de l’inspection générale de la police nationale, qui a elle-même évoqué le vide juridique auquel nous sommes confrontés dans la situation où un tueur fou range son arme après avoir commis ses actes criminels mais continue de représenter un danger majeur imminent – la référence, l’exemple tragique, c’est Breivik, en Norvège, je l’ai déjà dit. Il faut pouvoir le neutraliser. C’est ce cas qui a été évoqué par la directrice de l’IGPN devant notre commission, et je reprends très exactement ses propos. Il y a là un vide juridique. Vous travaillez sur ce problème, monsieur le ministre, vos services y travaillent, et je vous en sais gré, mais la proposition de loi introduit précisément cette notion.

S’agissant des violences graves aussi, il y a un vide qu’il convient de combler. Certains ont évoqué les questions de l’usage des armes, de la définition de la force armée, de la proportionnalité. Mais on peut aussi tuer, on le sait, avec une batte de base-ball, on peut tuer à mains nues ! Je rappelais le guet-apens dont avait été victime le commissaire divisionnaire Jean-François Illy, à Sarcelles, pris dans un traquenard dans l’exercice de ses fonctions, attaqué par une dizaine de personnes, qui l’ont massacré, qui l’ont laissé quasiment pour mort : il n’y avait pas une seule arme à feu, et il a pourtant failli y laisser la vie ! Nous introduisons donc cette notion de violence grave pour améliorer la protection des forces de l’ordre.

Il y a, enfin, cette question des sommations. Il s’agit, c’est vrai, de rapprocher le régime du code de la défense nationale, qui s’applique aux militaires de la gendarmerie, et le régime applicable aux policiers. Nous proposons de préciser les modalités de ces sommations par voie d’amendement.

Monsieur le ministre, je vous remercie pour vos avancées. Vous avez souligné la pertinence de ce débat. Vous avez dit qu’il n’était pas inutile, pour ne pas dire caricatural, comme l’a suggéré Mme Pochon. Vous avez dit qu’il y avait un vrai questionnement. Répondons-y donc, allons au bout du débat et profitons de ce vecteur législatif pour faire avancer la protection de nos policiers. Nous le leur devons.

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