Intervention de Marc Dolez

Séance en hémicycle du 17 février 2015 à 21h30
Nouvelle organisation territoriale de la république — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarc Dolez :

Madame la présidente, madame la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, monsieur le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, mes chers collègues, comme la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, dite loi MAPTAM, puis la loi relative à la délimitation des régions, ce dernier volet de la réforme territoriale s’inscrit clairement dans la continuité de la loi du 16 décembre 2010, que l’ensemble de la gauche avait pourtant rejetée à l’époque.

Comme nous ne cessons de le dire depuis le début, la réforme territoriale en cours poursuit et aggrave la mise en concurrence des territoires. Elle organise un bouleversement institutionnel sans précédent, qui accroîtra les inégalités entre les territoires. Elle remet en cause les principes constitutionnels d’unité et d’indivisibilité de la République et d’égalité des citoyens devant la loi, pour installer en quelque sorte une autre République, que nous pourrions qualifier de technocratique, de fédéraliste et de concurrentielle.

Face à un tel bouleversement, il aurait été légitime d’engager un grand débat national, mais à aucun moment il n’a été envisagé de donner la parole au peuple et le Gouvernement a préféré engager une réforme élaborée sans véritable vision d’ensemble.

Cette absence de vision est manifeste au regard des incohérences du texte et des multiples revirements auxquels nous avons assisté.

Tout d’abord, la logique aurait voulu que nous examinions en priorité les fonctions et les compétences des régions, afin de déterminer en second lieu l’espace que celles-ci devraient occuper. Ensuite, la logique aurait voulu que nous examinions conjointement la réorganisation des compétences et les ressources des collectivités. Or, nous ne savons rien des moyens dont elles disposeront pour mettre en oeuvre leurs compétences. Ce qui est sûr, c’est que la réforme s’inscrit dans un contexte de réduction drastique des dotations de l’État – moins 28 milliards d’euros entre 2014 et 2017 – et qu’une réforme de la dotation globale de fonctionnement est annoncée pour 2016 sans que nous n’en connaissions les orientations.

La loi MAPTAM prévoyait le rétablissement de la clause générale de compétence. Ce projet de loi la supprime pour les départements et les régions. Le Président de la République et le Gouvernement avait annoncé la suppression des départements, avant de la démentir quelques mois plus tard. Finalement, à la lecture du présent projet de loi, leur disparition, à terme, ne fait pas de doute.

Ces contradictions en témoignent : dans l’esprit de la réforme, l’organisation du territoire est d’abord conçue comme une variable d’ajustement du budget de l’État.

Il s’agit de réorganiser l’action publique, c’est-à-dire ses structures et ses procédures, pour parvenir à la réduction de la dépense publique et répondre ainsi, quoi qu’on en dise, aux injonctions de Bruxelles. La réforme nous a ainsi été présentée comme un moyen de réaliser des économies à un niveau situé, dans un premier temps, entre 12 milliards et 25 milliards d’euros par an. Ces chiffres ont ensuite été revus à la baisse, au point que l’étude d’impact n’évalue plus précisément les économies attendues. Au contraire, plusieurs analyses, dont celle qui figure dans le rapport de la commission des finances du Sénat sur ce projet de loi, s’accordent désormais sur le fait que, à court terme, les transferts de compétences envisagés pourraient entraîner une augmentation des dépenses. Même l’agence de notation américaine Moody’s – c’est dire ! – estime que les mesures annoncées ne vont pas générer d’économies dans les années qui viennent.

Si le Gouvernement peut donner l’impression d’une certaine navigation à vue, il faut reconnaître qu’il n’en garde pas moins son cap : concentrer les pouvoirs locaux entre les mains des grandes intercommunalités, organiser l’évaporation des communes et des départements, renforcer les compétences des régions, restreindre la libre administration des collectivités territoriales, tenter de les hiérarchiser, réduire leurs ressources et mettre sous contrôle leurs dépenses. Sur chacun de ces points, notre désaccord est total.

Ce cap est éclairé de manière encore plus précise, madame la ministre, par le récent rapport du Commissariat général à l’égalité des territoires,…

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