Intervention de Pascal Cherki

Séance en hémicycle du 2 février 2015 à 21h30
Croissance activité et égalité des chances économiques — Article 12

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPascal Cherki :

La péréquation de l’ensemble des professions du droit pour financer l’aide juridictionnelle est une bonne chose, et c’est un premier pas. Nous serions toutefois encore plus crédibles si les concours publics, même en période de sérieux, voire de consolidation budgétaire, augmentaient à due concurrence de l’effort qui sera demandé à l’ensemble des professions juridiques. Il ne faudrait pas qu’à terme le système de péréquation de l’ensemble des professions se substitue à la solidarité nationale exercée par le biais du budget de la nation.

C’est donc une bonne chose, mais ce n’est qu’un premier pas. Pour le reste, monsieur le ministre – même si la question du fonctionnement de la justice dans ce pays relève plus du ressort et de la réflexion traditionnels de Mme la garde des sceaux – à quel problème sommes-nous confrontés aujourd’hui ? À une dualité de l’accès au droit dans notre pays. Comme dans beaucoup d’autres secteurs, une part de la population a du mal à se faire défendre. L’aide juridictionnelle couvre une partie du problème, mais une part des classes populaires et moyennes ne recourt à un avocat qu’avec difficulté en raison du coût de l’accès à la justice.

Cela pose à terme un problème qui n’est pas simple à résoudre, et qui suppose une réflexion sur une véritable sécurité judiciaire, nécessitant un financement de l’État ainsi qu’une participation financière de la profession. Cela ne me gêne pas que les très gros cabinets d’avocats ou les très grosses études de notaire y contribuent ! Non plus que les compagnies d’assurances d’ailleurs, dont les prestations s’étendent aujourd’hui à la protection juridique.

En somme, tout cela se fait par petits bouts, mais sans assurer une véritable égalité d’accès à la justice. La profession d’avocat, que je connais bien, est une profession éclatée, à l’image des gens qu’elle défend. Quel est le point commun, déontologie mise à part, entre un gros cabinet d’avocats s’occupant de fusions-acquisitions et d’optimisation fiscale des entreprises et un cabinet qui défend un locataire qui a un contentieux avec son propriétaire ?

Il faut mener une réflexion à ce sujet. La péréquation est pour moi un point de départ et non un aboutissement. Il serait illusoire de croire que cet article réglera les raisons profondes de l’inégalité d’accès à la justice, en particulier les questions de la mission de défense, qui est essentielle dans une société démocratique.

Voilà ce que je voulais dire afin de vous inciter à y réfléchir, monsieur le ministre. Vous qui êtes à juste titre très préoccupé de l’égalité des chances dans notre pays, voyez-y une manière d’aborder le débat après un petit pas en avant. Un grand penseur disait qu’il vaut mieux un petit pas que mille programmes, mais il reste tout de même à aller beaucoup plus loin !

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