Intervention de Meyer Habib

Séance en hémicycle du 15 décembre 2014 à 16h00
Simplification de la vie des entreprises — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMeyer Habib :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure, madame la vice-présidente de la commission mixte paritaire, mes chers collègues, les entrepreneurs perçoivent très négativement l’impact de la réglementation nationale en vigueur sur leur activité, et cela à juste titre. Les dirigeants des TPE et des PME consacrent en moyenne un tiers de leur temps de travail à la gestion de tâches administratives. Un tiers de leur temps de travail ! C’est invraisemblable.

Ces normes, toujours plus nombreuses, toujours plus complexes, forment un carcan qui enserre notre appareil productif et condamne, nous le constatons hélas chaque jour, notre pays à la morosité économique. En outre, cette complexité administrative a un coût : 60 milliards d’euros, selon l’OCDE, ce qui place notre pays au 130e rang sur 148 pays en matière de poids des normes. C’est incroyable !

La situation ainsi décrite fait donc sans aucun doute de la simplification des normes un objectif urgent et ultra-prioritaire, nous sommes tous d’accord sur ce point – une priorité dont la majorité précédente avait déjà pris conscience, puisqu’un important travail de simplification a été entrepris sous les deux précédentes législatures, comme vient de le rappeler M. Lurton. Il nous appartient donc aujourd’hui de poursuivre le travail engagé.

Ainsi que je l’avais souligné en première lecture, un certain nombre de dispositions de ce texte vont objectivement dans le bon sens. Je pense en particulier au développement de la dématérialisation des échanges avec l’administration. À l’heure où l’usage des nouvelles technologies de l’information se généralise, toute mesure renforçant l’e-administration est indispensable pour maintenir efficacement le lien avec les entreprises.

Autre exemple : le développement du rescrit est une sécurité juridique qui est très importante pour les entreprises lorsqu’elles ont besoin de faire valoir leur bonne foi en cas de litige avec l’administration. Il en est de même du remplacement de certains régimes d’autorisation préalables par de simples procédures déclaratives et de l’application concrète du principe « silence vaut accord », qui doit prévaloir dans les relations avec l’administration.

Néanmoins, si vous me le permettez, il est regrettable que ce projet de loi ait aussi vocation à corriger certaines des réformes que notre assemblée a pourtant adoptées très récemment. Ne pourrions-nous pas légiférer simplement et directement, sans avoir par la suite à procéder à ces retouches ?

En effet, dans ce projet de loi, les articles 7, 7 bis et 7 ter ne sont ni plus ni moins que des rectifications de la loi ALUR que nous avons adoptée tout récemment. Quant à l’article 34 qui propose de corriger les insuffisances et les incohérences juridiques du code de la consommation, il révèle le caractère incomplet de la loi relative à la consommation.

La commission du Sénat avait prévu, dans un article 12 A, de supprimer une mesure prévue par la loi relative à l’économie sociale et solidaire : l’obligation d’information préalable des salariés en cas de cession d’une entreprise. Voilà un exemple de mesure qui constitue une entrave à la liberté de céder son entreprise pour une multitude de raisons que je ne développerai pas ici, et qui aura des conséquences néfastes sur l’emploi. Nous regrettons vivement que cet article de bon sens ait finalement été supprimé par la CMP. Il est pour le moins surprenant et regrettable qu’un gouvernement qui prétend simplifier la vie des entreprises introduise dans le même temps de nouvelles obligations de nature à la complexifier.

En outre, je regrette et dénonce une nouvelle fois, au nom du groupe UDI, un recours excessif aux ordonnances. Par ce projet de loi, le Gouvernement nous demande de l’habiliter à simplifier la vie des entreprises en excluant précisément le Parlement de ce processus de simplification. Cette manière de procéder, monsieur le secrétaire d’État, est réellement en contradiction avec votre rapport, qui soulignait très justement l’importance d’associer le Parlement à toutes les démarches de simplification. Les parlementaires que nous sommes, quel que soit leur bord politique, de gauche, du centre ou de droite, sont pourtant bien souvent le relais privilégié des préoccupations des entreprises.

S’il est recouru aux ordonnances, encore faut-il que les habilitations soient suffisamment encadrées. Cela n’était pas le cas pour un certain nombre d’articles de ce projet de loi, que les discussions au sein de nos deux assemblées ont heureusement permis d’améliorer. Je pense notamment à l’article 1er sur les titres simplifiés et les guichets uniques, que le Sénat a davantage encadré.

En outre, nos deux assemblées ont parfois réussi, à juste titre, à modifier directement la législation sans recourir aux ordonnances : tel fut le cas à l’article 7, destiné à faciliter la réalisation d’opérations d’aménagement et de construction ; à l’article 7 ter, qui ajuste certaines dispositions introduites par la loi ALUR ; à l’article 15, qui supprime la déclaration relative à la participation des employeurs et à la formation professionnelle continue ; ou encore à l’article 28, créant un régime juridique spécifique pour les écoles supérieures des chambres de commerce et d’industrie.

Autre apport du Sénat : un amendement du groupe centriste avait prévu de supprimer l’ensemble du volet pénibilité de la loi du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites. En CMP, cet article 2 septies a été supprimé, au profit d’un rapport sur la mise en oeuvre du compte personnel de prévention de la pénibilité. Nous regrettons que cette disposition ne figure plus dans ce texte. Entre une durée minimale hebdomadaire d’un contrat de travail à temps partiel fixé à vingt-quatre heures depuis le 1er juillet dernier et une durée légale fixée à trente-cinq heures pour un temps plein, nous assistons à une réduction des marges de manoeuvre pour les entrepreneurs et leurs salariés.

Enfin et surtout, ce projet de loi manque d’ambition. En définitive, peu de ses dispositions concernent directement les entreprises, une grande part d’entre elles étant essentiellement destinée à faciliter la vie de l’administration. Aussi, la simplification du code du travail, notamment celle des seuils sociaux, est véritablement la grande absente de ce texte.

À titre d’exemple, l’article 12 propose de diminuer le nombre minimal d’actionnaires dans les sociétés anonymes non cotées. Ce projet de loi n’aurait-il pas pu être l’occasion de modifier l’ensemble du régime des sociétés non cotées ? Plutôt que de simplifier la vie de nos entreprises pas à pas, ne pourrait-on pas immédiatement procéder à une démarche ambitieuse globale de simplification ?

Mes chers collègues, c’est un entrepreneur qui vous parle : la simplification de la vie des entreprises est une nécessité pour libérer leur potentiel de croissance. Nous nous devons de prendre, sans attendre, des mesures courageuses afin d’améliorer la compétitivité de nos entreprises, relancer la consommation et donc la croissance et redonner du pouvoir d’achat aux Français.

Pour cela, le choc de simplification doit impérativement s’accompagner d’un choc de compétitivité. La simplification de la vie des entreprises ne portera ses fruits que si elle est associée à un allégement significatif de leur fiscalité. C’est en mettant un terme au matraquage fiscal, d’une ampleur hélas quasi inégalée en Europe, que nous pourrons, c’est mon intime conviction, redonner confiance aux entrepreneurs et relancer la croissance.

Mais au-delà de ce contexte général défavorable au développement des entreprises, nous refusons d’aller à l’encontre de tout ce qui pourrait contribuer à la simplification des normes et des obligations pesant sur les entreprises. Le groupe UDI votera donc en faveur de ce projet de loi.

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