Intervention de Jean-Christophe Fromantin

Séance en hémicycle du 27 mai 2014 à 21h30
Débat sur la réforme territoriale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Christophe Fromantin :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, on parle beaucoup d’un texte sur la réforme territoriale. Or, ne vaudrait-il pas mieux revenir à ce terme, qui peut paraître un peu désuet aujourd’hui mais qui est révélateur des enjeux qui sont les nôtres, celui d’aménagement du territoire ? À l’aune des enjeux que sont la mondialisation, la compétitivité, le développement économique, la prospérité de nos entreprises, quel aménagement du territoire permettrait de requalifier notre tissu économique ?

Quand on demande aux nouveaux consommateurs des pays émergents, ceux qui gagnent 2 000 à 3 000 dollars au Brésil, en Chine ou ailleurs, et qui contribueront à la croissance dans les années à venir, quels pays les fascinent le plus et quels modèles de consommation les attirent le plus, ils citent toujours la France parmi les trois premiers pays. Le fait que nos territoires, notre culture, nos marques soient des éléments d’attractivité extrêmement forts pour nos contemporains aux quatre coins du monde est un signe très encourageant pour notre économie. Dès lors, on peut se demander comment revitaliser économiquement nos territoires, non pas en partant des économies à réaliser et d’un nouveau découpage administratif, mais en cherchant à leur donner le maximum de chances de réussir dans un monde qui a changé et qui est attiré par la plupart des avantages comparatifs que présentent tous nos territoires, qu’il s’agisse de nos territoires ruraux, côtiers, de montagne, agricoles ou urbains. Si l’on analyse le sujet sous cet angle, on pourra apprécier différemment les enjeux.

Si l’on pense que le défi consiste à requalifier les territoires pour leur redonner une chance dans la mondialisation, il faut définir d’emblée plusieurs critères fondamentaux. Parmi ceux-ci, on peut citer celui de l’aménagement de nos territoires par rapport à nos grands ports maritimes, dont ont parlé certains de nos collègues.

Nos grands ports maritimes constituent la grande voie d’accès au monde, par laquelle sortent et entrent les conteneurs – c’est ce que l’on appelle la massification ou la conteneurisation. Ces conteneurs marquent les chances ou la prospérité d’un territoire dans le monde.

Le premier critère d’une refonte de l’aménagement du territoire pourrait donc être celui du lien efficace qui unit chacun de nos territoires à l’hinterland d’un grand port maritime français. Veillera-t-on à ce que, quel que soit l’endroit où l’on se trouve en France, l’on soit, demain, à une distance acceptable d’un grand port maritime français, à l’instar de ce qui a été fait il y a quelques années avec les autoroutes dans le cadre de l’aménagement du territoire ? Je vous rappelle, mes chers collègues, que notre pays compte sept grands ports maritimes, ce qui est une chance extraordinaire ! Peu de pays auraient l’audace de ne pas exploiter cet avantage comparatif.

Quand on essaie de redessiner la carte de France, on ne peut pas ignorer ce critère.

Un autre critère, très important pour l’avenir de nos entreprises, est celui du financement. Nous avons en France ce paradoxe extraordinaire d’avoir un taux d’épargne parmi les plus forts au monde puisqu’il est de 16 %, tout en ayant une incapacité chronique à orienter cette épargne vers nos PME et TPE, vers nos entreprises de taille intermédiaire. En effet, nos régions n’ont pas la taille suffisante pour rapatrier, territorialiser une ingénierie financière, créer des bourses régionales et l’ensemble des véhicules de financement qui pourraient profiter à nos entreprises mais aussi à nos collectivités pour financer, par le truchement d’outils obligataires, les infrastructures dont nous avons besoin pour notre développement. Là aussi, construisons nos territoires en tenant compte des tailles critiques nécessaires pour rapatrier des savoir-faire, notamment dans le domaine du financement !

Le dernier critère que j’aborderai concerne la gestion des flux. Actuellement, différents opérateurs, ferroviaires, autoroutiers, nous présentent des cartes de mobilité. Mais sur la base de quelle logique d’irrigation du territoire sont-elles établies ? N’est-il pas temps qu’un État stratège propose une stratégie territoriale adaptée à la mondialisation et aux enjeux auxquels nous sommes confrontés ? Au-delà des découpages, au-delà des aménagements, l’État est-il capable de proposer réellement une vision stratégique de la carte de France pour adapter, pour plusieurs décennies, notre pays aux nouveaux enjeux ?

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