Intervention de Philippe Goujon

Séance en hémicycle du 27 novembre 2013 à 21h30
Loi de programmation militaire 2014-2019 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Goujon :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que la loi de programmation militaire prévoit de faire du ministère de la défense l’un des plus importants contributeurs à l’effort de réduction des effectifs, il faut rappeler que, s’il représente 10 % des emplois publics de l’État, il comptera pour 60 % des suppressions de postes prévues au budget 2014. Je voudrais donc aujourd’hui relayer les inquiétudes des militaires et de leurs familles, qui ne savent toujours pas si leur base ou leur régiment sera touché après 2014 par les restructurations, s’ils devront déménager et rescolariser leurs enfants dans une autre ville.

La vision comptable ne doit pas obérer l’absolue nécessité pour l’armée de rester attractive, aussi bien du point de vue de la diversité des métiers auxquels elle forme que de celui de la juste rémunération d’un engagement personnel total. L’armée a besoin d’engagement et de compétences.

La loi de programmation prévoit des mesures de dépyramidage afin de réduire la masse salariale, mais il n’est écrit nulle part que les économies dégagées permettront de revaloriser la condition militaire. Or les dernières mesures catégorielles prévues en faveur des personnels, évaluées à 55 millions, restent en attente d’application. Les mesures d’incitation au départ anticipé sont également inférieures à celles prévues par la précédente loi de programmation.

Qu’est-il proposé, monsieur le ministre, pour aider véritablement les militaires concernés, notamment les officiers qui sont invités par le Livre blanc à se réinsérer dans la vie professionnelle post-défense ? Le dispositif actuel d’aide à la reconversion, s’il a montré sa relative efficacité – il faut le reconnaître – vis-à-vis des militaires du rang et des sous-officiers, est loin de parvenir encore à aider les officiers à retrouver un emploi civil. Alors que les officiers sont majoritairement visés par votre plan de réduction d’effectifs, que comptez-vous faire pour soutenir le commandement et les initiatives particulières d’appui à la reconversion institutionnelle ? La loi de programmation évoque la reconversion dans d’autres emplois publics. Pourquoi, dès lors, au lieu de ce jeu de vases communicants, ne pas préserver ces emplois au sein du ministère de la défense ?

Par ailleurs, les avantages en nature de la condition militaire ne sont plus ce qu’ils étaient. Les casernements sont vétustes, voire pour certains insalubres, et l’armée n’a plus les moyens de les entretenir. Le ministère compte sur la vente d’emprises foncières, notamment à Paris, pour alimenter les ressources exceptionnelles attendues. Pouvez-vous nous préciser quelles sont ces emprises ? Si elles devaient être cédées à la Ville de Paris à un prix symbolique, en application de la loi Duflot, cela diminuerait d’autant l’apport financier indispensable qu’elles sont censées constituer.

Le chef d’état-major de l’armée de terre lui-même a exprimé au Sénat ses inquiétudes sur la cohérence du modèle d’armée à venir, mais aussi sur les conditions d’exercice du métier militaire et sur les conditions de vie du personnel. À titre d’exemple, le plan VIVIEN d’hébergement des militaires du rang, qui devait initialement être bouclé en 2013, a été reporté en 2017, ce qui oblige nombre des personnes concernées à se loger dans des conditions précaires. Le cadrage budgétaire pourrait même obliger à revoir à la baisse le standard d’équipement du combattant et à diminuer les droits à dotation, au risque de créer des situations de pénurie temporaire d’équipement des forces en cas de déclenchement d’une intervention d’urgence. Même la qualité de l’alimentation se dégrade, avec un coût des denrées par repas réduit à trois euros et vingt centimes.

Vous ne prévoyez aucun investissement non plus en matière d’innovation, ce qui va obérer la capacité opérationnelle de nos forces et mettre en péril de nombreuses PME, en contradiction avec le pacte gouvernemental défense PME qui peine aujourd’hui à prendre corps, comme a pu le signaler récemment le conseil des industries de défense. Depuis un an, sa mise en oeuvre est jugée par les acteurs industriels comme trop lente et manquant de pragmatisme. L’Observatoire économique de la défense englobe les 27 000 fournisseurs du ministère de la défense et les 4 000 PME et ETI de la base industrielle et technologique de défense, qui représentent pourtant des forces d’innovation, d’emploi et d’excédent commercial de notre pays. Or ces entreprises sont en attente et, pour certaines d’entre elles, déjà moribondes.

Selon le chef d’état-major de l’armée de terre, vous prenez le risque, induit par une baisse du moral des troupes, d’affecter notre capacité opérationnelle. La question importante du conjoint du militaire n’est pas non plus abordée, alors que l’on sait les difficultés d’une vie rythmée par les affectations, les déménagements et l’incertitude sur l’avenir, liée à la nature de l’engagement consenti et à l’éventualité – particulièrement dans le contexte actuel – que le contrat ne soit pas renouvelé.

Enfin, monsieur le ministre, je tiens à dire la déception qui est la mienne, en ma qualité de maire de l’arrondissement où doit être située la future implantation du ministère de la défense, à Balard : depuis un an et demi, je suis en attente d’un contact avec vous, alors que nombre de questions restent posées quant aux conséquences du fonctionnement d’un ensemble aussi considérable dans un quartier de Paris en pleine mutation.

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