Intervention de Monique Orphé

Séance en hémicycle du 10 septembre 2013 à 21h45
Accès au logement et urbanisme rénové — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMonique Orphé :

Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, l’absence de logement aggrave la précarité, favorise l’exclusion et amoindrit la dignité de l’individu. Si le droit au logement est un droit fondamental, beaucoup d’individus en sont privés. Je salue donc en premier lieu la détermination de ce Gouvernement de s’attaquer à un problème qui entraîne l’exclusion d’une partie de la population.

Le projet de loi résulte d’une démarche politique traduisant l’idée d’une société mobilisée pour que les questions de logement soient abordées sous l’angle de la justice sociale. À la Réunion, le problème du logement se pose dans un contexte différent de celui qui prévaut en métropole en raison des évolutions démographiques. En effet, depuis quarante ans, la population réunionnaise croît à un rythme deux à trois fois plus soutenu que la population métropolitaine. Au cours de cette période, la population a quasiment doublé et les besoins en logement ont été multipliés par quatre. La persistance d’intenses besoins de logement est d’ailleurs confirmée par les perspectives démographiques, qui prévoient un million d’habitants à l’horizon 2030.

Dès lors, le diagnostic est posé : 22 000 demandes de logement non satisfaites ; 80 % de la population éligible à un logement social ; 16 000 logements insalubres dont la moitié nécessiterait une amélioration lourde, voire une démolition ; 164 000 personnes vivant dans un logement considéré comme trop petit et se trouvant ainsi en situation de suroccupation, soit 22 % de la population réunionnaise et deux fois plus que la moyenne nationale.

Après une baisse de la construction de logements au cours des années 2000, la défiscalisation du logement social a permis une hausse de l’offre, mais celle-ci n’était pas à la hauteur des besoins recensés. En effet, seuls 4 500 logements neufs ont été construits l’année dernière, alors qu’il en faudrait 9 000 pour répondre à la demande et accueillir dans de bonnes conditions la génération future.

La Réunion est aussi un territoire où les inégalités sont criantes. 42 % de la population vit avec moins de 920 euros par mois, le revenu médian y est 1 500 euros, inférieur de 40 % à celui de la France métropolitaine, et le département connaît un taux de chômage de 30 % en moyenne et près de 60 % chez les jeunes. Le problème des ressources des ménages réunionnais est accentué par le montant des loyers, qui a augmenté de manière importante au cours des dernières années.

Si ces loyers dans le département sont inférieurs à ceux relevés à Paris et sa région, ainsi qu’à Aix-en-Provence et Grenoble, à l’inverse, ils sont supérieurs aux loyers observés dans les principales autres villes de province. Ainsi, 43 % des ménages doivent fournir un taux d’effort supérieur à 30 %.

Le poids des vulnérabilités sociales et le besoin accru de logement exposent donc les ménages réunionnais à d’importantes difficultés d’accès et de maintien dans un logement, voire au recours à des formes de logement inadaptées ou dangereuses, ce dont profitent les marchands de sommeil, les propriétaires bailleurs peu scrupuleux. Ces constats m’ont amenée à proposer ou à soutenir un certain nombre d’amendements.

D’abord, l’encadrement des loyers dans le secteur privé doit être étendu à l’outre-mer, notamment dans les grandes villes telle Saint-Denis de la Réunion. La rareté et le prix du foncier impactent considérablement le coût de sortie des opérations de logement, même sociaux.

Pour ce qui est du mode de calcul de l’aide au logement, certains bénéficiaires se retrouvent souvent en difficulté en cas de changement de situation professionnelle ou personnelle. Afin d’améliorer la prise en compte de la situation réelle de l’allocataire, nous devons réfléchir à un mode de calcul différent. C’est pourquoi un rapport sera demandé au Gouvernement sur les modalités de calcul de l’allocation.

Pour lutter contre les marchands de sommeil et prévenir l’insalubrité des logements, j’ai souhaité apporter deux améliorations au projet. Il s’agit d’abord de proposer une définition de la notion de « marchand de sommeil », puisqu’une telle définition n’existe pas – or, un cadre légal est nécessaire pour permettre aux tribunaux de statuer. Je souhaite également renforcer l’article 46, en permettant aux locataires bénéficiant des allocations logement de ne pas verser la part résiduelle du loyer au propriétaire, tant que celui-ci n’a pas procédé à la mise en conformité du logement.

Enfin, pour conclure, je veux souligner que 400 000 femmes ont été victimes de violences au sein de leur foyer. L’offre d’hébergement dédiée à ces femmes et les possibilités de relogement sont des clés indispensables dans le parcours de sortie des violences conjugales. En qualité de vice-présidente de la délégation aux droits des femmes, j’ai souhaité proposer un amendement ouvrant la possibilité aux femmes victimes de violences conjugales de bénéficier d’une offre d’hébergement après un passage en hébergement d’urgence. Il est important de proposer des hébergements relais, permettant de faire le lien entre l’hébergement d’urgence et l’autonomie de ces personnes en termes de location, pour assurer une réintégration et libérer des places pour les situations d’urgence. Je souhaite que ces amendements reçoivent une adhésion la plus large possible au sein de cette assemblée.

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