Intervention de Jean-Michel Clément

Séance en hémicycle du 10 septembre 2013 à 21h45
Accès au logement et urbanisme rénové — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Michel Clément :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, madame et messieurs les rapporteurs, chers collègues, le texte que nous examinons à partir d’aujourd’hui fera date. Plus encore qu’un projet de loi-cadre, il prend en compte les deux volets essentiels d’une politique cohérente en matière d’habitat, le logement et l’urbanisme.

L’accès au logement est un droit fondamental, érigé au rang des valeurs universelles auxquelles notre pays est fidèle depuis toujours. Mais accéder au logement ne signifie pas pour autant créer des situations de dépendance. Les rapports entre bailleur et preneur ne sont pas uniquement des rapports de droit et la remise en ordre de certaines pratiques était devenue urgente. Le projet de loi y répondra.

Par ailleurs, la lisibilité et l’efficacité des politiques publiques du logement sont très inégales sur notre territoire. Elles peuvent pourtant, lorsqu’elles sont bien pilotées, être très efficaces, car les contractualisations avec les collectivités locales peuvent en amplifier les résultats. Ainsi, sur le territoire où je suis élu, la conjugaison de l’action de l’ANAH et de la région Poitou-Charentes, qui a orienté sa politique en matière d’habitat sur l’efficacité énergétique, a permis de mener à bien, à l’échelle d’un bassin de vie de 35 000 habitants, une OPAH d’un montant de dix millions d’euros consacrés à des travaux non-délocalisables pour le confort de ses habitants. Mais je sais aussi que toutes les opérations de ce type ne connaissent pas le même succès.

Enfin, votre projet de loi, madame la ministre, s’attaque à une plaie ouverte, la consommation de l’espace, dont l’étalement urbain n’est pas le moindre des responsables. Reconnaissons que si le terme de « mille-feuille territorial » a pu être employé à propos des collectivités locales, en matière de zonage et d’urbanisme, les choses sont bien pires. Céder une parcelle de terre revient aujourd’hui à résoudre une équation à plusieurs inconnues. Les zonages se sont multipliés et superposés et les droits de préemption à purger n’obéissent pas tous aux mêmes contraintes de temps. En outre, tous les territoires ne sont pas allés au même rythme et nombre de communes rurales ne sont pas encore dotées de documents d’urbanisme. Enfin, l’artificialisation des sols continue. La France perd 75 000 hectares par an et bientôt 90 000 à ce rythme, soit 250 hectares par jour !

D’autres avant nous ont pris conscience de cette dérive. En Allemagne par exemple, un débat sur la stratégie de développement durable s’est tenu au Bundestag dès 1996, pour contenir cette consommation et passer de 120 ha par jour à 30 ha par jour à l’horizon 2020. Un premier bilan en 2008 laissait apparaître une réduction de 25 %, preuve que conduire une politique volontariste en la matière peut conduire à des résultats significatifs. Votre projet de loi, madame la ministre, est construit en ce sens.

Ajoutons qu’en matière de consommation d’espace, les problématiques environnementales et sociales se rejoignent. Quelques exemples suffisent à en prendre conscience. Nous assistons à un recul du nombre d’exploitations agricoles, dont deux ou trois par jour disparaissent. Les sols sont de plus en plus imperméabilisés par les infrastructures, les zones d’activités qui restent parfois longtemps vides, les lotissements et les zones commerciales qui s’étendent à l’entrée des villes, fussent-elles très petites. Pendant ce temps, les centres-villes et les centres-bourgs se vident.

Corollairement à un tel étalement, la consommation énergétique ne cesse d’augmenter malgré les efforts en matière d’économie d’énergie ou d’efficacité énergétique. Enfin, la ségrégation sociale peu à peu s’installe, les riches au centre-ville et les pauvres à la périphérie. Balzac, déjà, avait raison. Si la France est encore la première destination touristique, c’est aussi pour son patrimoine architectural et naturel. Nous devons veiller à préserver ces valeurs patrimoniales comme nous devons préserver la biodiversité, véritable indicateur de l’évolution de nos civilisations. Oui, il faut moderniser nos documents de planification communaux et intercommunaux. Oui, il nous faut couvrir tout le territoire de documents d’urbanisme. Oui, il faut donner au SCoT une force contraignante en confortant son rôle intégrateur. Le SCoT sera un outil, il ne sera jamais une fin. Il est normal qu’en période de mutation des échelles locales, un tel outil soit apparu dans le code de l’urbanisme pour tenter de résoudre une question que toutes les sociétés se sont posée : comment exister ensemble sans cesser d’être individuellement ?

C’est bien cette question qui effraie encore et explique que notre territoire ne soit pas encore couvert par ce type de document. Chaque outil est une chance pour la formation d’une identité locale. La finalité d’un SCoT est aussi de se donner un temps de réflexion méthodologique, une opportunité d’équilibre entre le triptyque territoire perçuterritoire vouluterritoire vécu. Une fois élaboré, selon une méthode librement consentie, il disposera d’une force d’intégration. Oui, il faut aussi développer les opérateurs fonciers et articuler leurs actions. Peut-être faudrait-il aussi centraliser l’exercice du droit de préemption sur un seul, qui interviendrait pour le compte de celui qui l’exercera, ce qui signifierait que tous les autres sont purgés. L’efficacité d’une politique, c’est aussi l’efficacité de sa mise en oeuvre et de sa perception par les citoyens.

Votre projet de loi, madame la ministre, est porteur d’une ambition forte : concilier économie, social et environnement dans un domaine où les enjeux sont à la fois multiples et contradictoires. Vous y êtes parvenue. Mais je crois pour conclure que nous devrons aussi être ambitieux en matière de fiscalité en ce domaine, afin qu’elle soit juste. Les effets d’aubaine ou des régimes fiscaux privilégiés portent encore trop souvent atteinte au principe d’égalité devant l’impôt. Il nous faudra aussi y remédier. Cela étant, c’est avec confiance et détermination que nous abordons la discussion du texte.

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