Intervention de Marc-Philippe Daubresse

Séance en hémicycle du 10 septembre 2013 à 21h45
Accès au logement et urbanisme rénové — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarc-Philippe Daubresse :

Nous l’avions déjà constaté avec votre projet de loi relatif à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social, qui impose un système de rattrapage extrêmement contraignant, lequel aboutit in fine à un effet contraire à celui qui était recherché, c’est-à-dire à un blocage de la construction de logements dans nos communes. C’est non pas par la contrainte mais par l’incitation et la confiance que vous motiverez les maires. Or vous leur retirez tout pouvoir en matière d’urbanisme et de politique de peuplement au profit des intercommunalités.

Bien sûr, ceux qui, comme moi, sont des élus de grandes agglomérations connaissent le pouvoir de l’intercommunalité et l’intérêt de mener de manière coordonnée une politique d’urbanisme et de peuplement entre communes et intercommunalité. Mais nous ne devons pas raisonner de la même manière sur la totalité du territoire, a fortiori pas dans les zones où le marché du logement n’est pas tendu.

Le parti pris contre les professionnels de l’immobilier bouleverse le modèle économique de ce secteur d’activité. Récemment, la télévision nous expliquait que c’était un des rares secteurs dans lequel les embauches avaient repris. Avec les mesures que vous préconisez, vous allez - ce sont les professionnels qui le disent - détruire des dizaines de milliers d’emplois. Vous nous affirmez avoir écouté tous les acteurs de la chaîne du logement ; peut-être les avez-vous écoutés, mais vous ne les avez pas entendus.

Le texte prévoit la mise en place au 1er janvier 2016 de la garantie universelle des loyers. Pour ma part, je suis le ministre qui, en 2004, a proposé avec la CFDT la garantie des risques locatifs. Ainsi que M. Apparu l’a rappelé à juste titre, ce dispositif, en dépit des bonnes intentions qui l’avaient fait naître, a été un échec dans les zones tendues alors que sa mise en oeuvre a donné de bons résultats dans les zones non tendues.

Il faudrait s’interroger sur les causes de cet échec. Vous préconisez d’établir une « sécurité sociale » du logement, de prélever une taxe sur tous les locataires et tous les propriétaires alors que seuls 3 % des locataires sont des mauvais payeurs de loyer. Vous souhaitez instaurer ainsi une garantie à la charge de l’État qui se substituera au cautionnement ; mais les curseurs ne sont pas tout à fait déterminés, tout cela reste dans le flou. Vous estimez que la charge pour le contribuable s’élèvera à 700 millions d’euros ; j’avais fait faire des études par mon ministère à l’époque et l’estimation était de 1 milliard d’euros. La vérité, c’est que vous ne maîtrisez pas cette charge. Vous ne savez pas quelle somme représentera la totalité des impayés parce que vous créez une machine infernale qui produira l’effet inverse de celui pour lequel elle a été pensée.

La mesure la plus spectaculaire de votre loi, l’encadrement des loyers via la création d’observatoires, n’est ni plus ni moins qu’un retour à l’après-guerre. Cette mesure n’a jamais fonctionné, pas même en Allemagne. C’est un mauvais signal envoyé aux investisseurs, qui vont voir chuter la rentabilité de leur investissement. Or il s’agit non plus de gros investisseurs institutionnels mais de petits propriétaires

Vous avez affirmé dans votre propos liminaire que les propriétaires étaient forcément des gros propriétaires aisés. Il vous suffirait de consulter le bilan annuel de l’ANAH, l’Agence nationale de l’habitat, pour constater que plusieurs centaines de milliers de propriétaires bailleurs sont des petits propriétaires avec un faible pouvoir d’achat qui ont des difficultés à joindre les deux bouts et qui ont absolument besoin de leurs revenus locatifs pour vivre, voire pour survivre.

Voilà ce que je voulais vous dire en résumé. Outre la perte de pouvoir pour les maires du fait de la mise en place de PLU intercommunaux, votre réforme aura une conséquence directe. Plutôt que d’associer les acteurs de l’immobilier à votre politique en gagnant leur confiance, vous misez sur la défiance ; plutôt que d’inciter, vous contraignez. Vous auriez pu recourir à l’autofinancement en vous appuyant sur la vente de logements sociaux, ce qui vous aurait permis de relancer le secteur du bâtiment, mais parce que cette mesure se heurte à votre corpus idéologique, vous bloquez vos budgets, vous alourdissez les droits de mutation et la TVA.

Le résultat est donc prévisible : ce projet de loi sera néfaste pour tous les acteurs de la construction, coûteux pour les acteurs publics alors que nous sommes dans une période de contrainte budgétaire et de baisse du pouvoir d’achat, et contre-productif par rapport aux objectifs affichés.

Par conséquent, n’en doutez pas, madame la ministre, je reviendrai chaque année faire un salut à la tribune de cette assemblée avec les chiffres qui seront fournis par la base Sit@del2 pour montrer, année après année, que le meilleur camouflet à votre politique idéologique ce sont les chiffres, c’est la réalité qui, de toute façon, s’imposera à vous.

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