Intervention de Benoît Hamon

Séance en hémicycle du 25 juin 2013 à 15h00
Consommation — Discussion générale

Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation :

Je vais essayer de répondre, même si ce ne sera pas de la manière la plus complète puisque l'examen des amendements nous amènera à approfondir un certain nombre de sujets, mais je voudrais tout de même aborder certains points : peut-être ainsi me permettrez-vous d'être plus bref quand nous discuterons des amendements.

D'abord, je veux saluer le travail des deux rapporteurs, Mme Le Loch et M. Hammadi. Nous savons ce que leur doit ce texte et ce qu'il doit au travail considérable de la commission des affaires économiques. Je veux souligner le rôle joué par le président Brottes : pas moins de deux cents amendements ont été adoptés, qui enrichissent le texte que nous examinons. Ils témoignent de l'influence de tous les groupes et je souhaite rester ouvert à la contribution de chacun, car je considère que des remarques pertinentes peuvent venir de tous les groupes, dès lors qu'elles visent à servir l'intérêt général.

Qu'il me soit permis de saluer la contribution personnelle du rapporteur M. Hammadi sur plusieurs aspects de ce texte : la création d'une procédure accélérée est une mesure importante qui muscle notre projet et ses dispositions sur le crédit ou sur le rachat d'or manquaient sans doute à ce texte. Elles viennent aujourd'hui compléter l'ouvrage initial du Gouvernement.

Mme Le Loch a insisté, comme plusieurs d'entre vous, sur la nécessité d'un équilibre dans les relations commerciales entre la grande distribution et les fournisseurs, sauf que cet équilibre, dans la réalité, n'existait plus ou n'existait plus toujours. Cette situation appelait une meilleurs effectivité de la loi : en renforçant les pouvoirs de la DGCCRF, on s'assure que les négociations commerciales se font dans l'intérêt de toutes les parties.

Nous aménageons la LME, la loi de modernisation de l'économie : nous ne modifions pas l'équilibre fondamental, mais nous l'aménageons, avec une mesure importante, la création de cette fameuse clause de renégociation obligatoire qui permettra ainsi, en particulier aux producteurs de bétail, de pouvoir tenir compte de la volatilité du coût des intrants et notamment du prix des matières premières agricoles. C'est une demande très forte des éleveurs, en Bretagne et partout en France : merci à Mme Le Loch de l'avoir rappelée.

M. Bricout, M. Chanteguet et plusieurs députés écologistes ont évoqué ce fameux changement de paradigme que nous souhaitons. Je ne prétends pas qu'à lui seul ce texte nous fasse changer de paradigme sur les modes de consommation. Pour les modifier, il faut jouer sur les comportements – le signal « prix » étant important – et aussi sur les attitudes, ce qui suppose une certaine éducation. Nous nous méfions des conséquences du développement d'un modèle low cost, pas seulement sur nos modèles sociaux, mais aussi sur la qualité de ce que nous consommons. L'affaire de la viande de cheval révèle ces menaces. L'économie low cost, ce sont aussi, au Bangladesh, ces ateliers qui s'écroulent sur des travailleurs payés au lance-pierre, dans une chaîne de sous-traitance qui doit nous amener à mesurer ce que doit être le devoir de vigilance de toutes les entreprises.

Nous nous engageons résolument dans la modification des modes de consommation à travers une mesure sur laquelle je veux dire un mot : l'encouragement de la « réparabilité ». Ce n'est pas très joli, mais je n'ai que ce terme à vous proposer. Le réflexe, quand on ramène un fer à repasser défaillant, une bouilloire défaillante, était de leur substituer un objet neuf venu de Corée ou de Chine. Il y a là une logique du tout à jeter qui n'est pas la bonne. Nous voulons en changer. Comment ? En faisant en sorte d'encourager la réparation de ces biens d'équipement sur place, grâce à des emplois non délocalisables. J'insiste sur un point, puisque M. Gérard m'y invitait : ce n'est pas une obligation nouvelle pour les entreprises. Nous disons seulement que celles qui affirment mettre à disposition des pièces détachées doivent garantir que celles-ci sont bien disponibles. Nous voulons nous assurer qu'il n'y ait pas d'allégation mensongère. Nous ne demandons pas au distributeur de disposer de la totalité des pièces détachées pour toutes les références qu'il a en magasin, mais de faire en sorte que le produit rapporté soit réparé. C'est sur la base du volontariat, il ne s'agit pas d'une obligation. L'obligation n'existera que pour ceux qui affirment disposer de pièces détachées. Il ne s'agit que de garantir l'honnêteté des offres, ce qui va dans le bon sens.

Nous ouvrons avec prudence le débat sur l'obsolescence programmée, parce que nous avons besoin de la définir. Il n'est pas dans les intentions du Gouvernement, ni dans les miennes, de remettre en cause les cycles d'innovation. Ils contribuent à créer de la croissance et de l'emploi. Je crois qu'il faut encourager l'innovation technologique et s'attacher à définir précisément ce qui relève de l'obsolescence programmée, à distinguer des cycles d'innovation.

Par ailleurs, pour combattre la tromperie économique et commerciale, nous avons des instruments. Plusieurs d'entre vous ont insisté sur l'économie d'usage, sur l'économie de la fonctionnalité : c'est un point important sur lequel le Gouvernement veut continuer à travailler.

Permettez-moi de saluer la contribution personnelle du rapporteur pour avis de la commission des finances, M. Grandguillaume, sur un point important : la mobilité bancaire. Selon une étude réalisée par le ministère de l'économie et des finances, quatre Français sur dix envisageraient de changer de banque s'ils pouvaient le faire en gardant le même numéro de compte. En clair, ils redoutent toutes ces tracasseries liées à un changement de compte : il y a une série de virements automatiques qu'il faut pouvoir transférer d'un compte à un autre.

Je veux saluer la proposition de Laurent Grandguillaume, qui est de mettre en place un service de redirection obligatoire, de sorte que celui qui change de banque n'ait pas l'obligation de s'occuper de tous ces prélèvements pour sa complémentaire santé, son loyer, etc. Ce service obligatoire est un progrès que permet la loi et je m'en réjouis.

Je salue aussi le travail de Laurent Grandguillaume sur la suppression des hypothèques rechargeables : ce sont en quelque sorte nos subprimes à nous, et il y avait là un dispositif qu'il fallait remettre en question.

Le président Brottes a joué un rôle important dans l'enrichissement de ce texte, notamment sur le renforcement de la Commission nationale de l'informatique et des libertés.

À propos de la CNIL, nous avons tenu compte de son avis dans la construction du registre national des crédits aux particuliers, puisque celui-ci ne comportera que dix millions de noms, ce qui est proportionné à l'objectif de lutte contre le surendettement. Le Gouvernement a fait en sorte que sa proposition de registre tienne compte des observations du Conseil d'État, de la CNIL et de la Commission nationale consultative des droits de l'homme. Le fait que la CNIL et la CNCDH se satisfassent d'un fichier qui ne sera pas de vingt-cinq millions de noms, mais de dix millions, nous encourage à avancer. Il fallait créer un instrument efficace et le mieux pouvait être l'ennemi du bien.

Permettez-moi enfin de dire un mot du travail de M. Denaja pour améliorer le dispositif sur l'action de groupe, avec la possibilité de réparation en nature et la faculté que le tiers qui pourra assister les associations soit issu d'une profession judiciaire réglementée, ce qui de facto permettra aux avocats de jouer un rôle important.

En cas de décision définitive de l'Autorité de la concurrence, le juge pourra prononcer, en première instance, des mesures de publicité et d'exécution provisoire, ce qui permet, là encore, d'avancer en faveur d'une action de groupe plus efficace.

Je vous ai répondu, madame Bonneton, à travers les remarques que je viens d'adresser à MM. Bricout et Chanteguet. Je reviendrai néanmoins sur la question de la santé : même si l'on n'étendait pas, demain, l'action de groupe à la santé et à l'environnement, sachez que si une entreprise prétendait, à travers une charte environnementale, attirer des clients par le moyen de ce que les Anglo-Saxons appellent le green washing – « je repeins en vert la façade, mais mes productions gardent un impact environnemental tout aussi négatif » –, nous pourrions d'ores et déjà nous retourner contre elle au motif d'une allégation mensongère, d'une pratique commerciale trompeuse.

Cette possibilité ne signifie pas qu'il ne faudra pas élargir le débat à la santé et à l'environnement. Je réitère ici l'engagement du Gouvernement à aller plus loin en ce sens. Marisol Touraine formulera ainsi des propositions début 2014 pour une extension du champ de l'action de groupe à la santé, comme le fait Delphine Batho pour l'environnement. Le texte, je le répète, va introduire l'action de groupe dans le code de la consommation, dispositif qui, dans le domaine de la santé, nécessitera une procédure forcément différente. En effet, un dommage de santé suppose une expertise individuelle de l'impact de l'absorption d'une molécule sur votre santé, potentiellement lié à des pathologies que vous avez pu contracter à tel ou tel âge. Il faut également être à même de vérifier le lien de causalité entre l'absorption de cette molécule et l'impact sur votre santé.

Cela suppose un examen bien plus long que ce que nous voulons mettre en oeuvre ici, à savoir la réparation du préjudice économique quelle que soit son ampleur – certaines actions de groupe aboutiront à des indemnités de quelques euros quand d'autres aboutiront à une indemnisation de plusieurs milliers d'euros. Prenons l'exemple de produits financiers qui ont conduit certains clients à perdre beaucoup d'argent parce que les mises en garde ou le devoir de conseil, les obligations précontractuelles n'ont pas été respectées : on peut imaginer que l'indemnisation des consommateurs sera dans ce cas très importante.

Pour ce qui est de l'environnement, il faudra, d'un point de vue technique et juridique, travailler sur la notion d'intérêt à agir au nom de la nature, puisque le préjudice lié à une pollution peut être économique – pour un ostréiculteur ou un pêcheur qui subit une marée noire –, sanitaire, ou encore environnemental. Il faut donc travailler sur la nature de ce préjudice. C'est l'engagement pris par Mme Batho. Là encore, si nous étions allés trop vite, nous ne serions pas parvenus, je le crains, à créer l'action de groupe. Or elle sera créée dans le cadre du droit de la consommation dans les mois qui viennent et les premières actions seront déclenchées, si vous votez le texte, dès la fin 2013 ou, plus probablement, en 2014, ce dont je me réjouis. À vouloir trop attendre et à vouloir être trop parfaits, nous n'aurions sans doute pas eu d'action de groupe du tout.

Je reviens sur l'intervention de M. Benoit. Je note la diversité des points de vue sur l'action de groupe, entre les groupes de l'opposition mais également au sein du groupe UMP lui-même.

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