Intervention de Gilles Lurton

Séance en hémicycle du 25 avril 2013 à 21h30
Cumul de l'allocation de solidarité aux personnes âgées avec des revenus professionnels — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilles Lurton :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le vice-président de la commission des affaires sociales, permettez-moi de m'associer aux voeux de rétablissement que vous avez adressés à la présidente de notre commission.

Je remercie notre rapporteure, ma collègue Isabelle Le Callennec, d'avoir repris cette proposition de loi adoptée par le Sénat à l'initiative de la sénatrice Isabelle Debré. Il était normal que deux députés d'Ille-et-Vilaine, terre d'expérimentation sous l'égide de Pierre Méhaignerie, défendent ce soir cette mesure innovante.

Cette proposition de loi de justice sociale n'aura aucun coût pour notre pays et doit permettre aux retraités les plus défavorisés d'améliorer leur niveau de vie par un travail cumulé à leur retraite.

Comme vous le savez, le minimum vieillesse, dont la création remonte à 1956, constitue le premier minimum social d'un point de vue historique. C'est une prestation subsidiaire versée aux personnes âgées de soixante-cinq ans – soixante ans en cas d'inaptitude au travail ou d'invalidité – afin de compléter leurs faibles ressources.

Près des trois quarts des allocataires dépendent de la Caisse nationale d'assurance vieillesse ; les autres des différents régimes, s'ils n'ont pas cotisé à un système de retraite, dépendent du service de l'allocation de solidarité aux personnes âgées de la Caisse des dépôts et consignations. Quant au financement de l'allocation, il est assuré par le Fonds de solidarité vieillesse, le FSV, dont il représente près de 15 % des dépenses, soit 3 milliards d'euros en 2011.

La récente modernisation du dispositif a successivement conduit à simplifier son architecture et à revaloriser le montant de l'ASPA pour une personne seule. En principe, l'allocation de solidarité aux personnes âgées et les autres allocations qui constituent le minimum vieillesse sont revalorisées chaque année comme les pensions de retraite. Le plafond du minimum vieillesse pour une personne seule a été revalorisé de 25 % entre 2009 et 2012, conformément à l'engagement du précédent Président de la République, Nicolas Sarkozy. Le plafond mensuel atteint 777 euros en 2012, contre 621 euros en 2007.

Cette mesure a été précédée de l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 24 juin 2004 : à compter du 1er janvier 2006 et l'entrée en vigueur de cette ordonnance, le minimum vieillesse est remplacé par l'allocation de solidarité aux personnes âgées, l'ASPA. Cette allocation unique vient se substituer à l'ensemble des prestations sociales en vigueur jusqu'à présent pour les personnes âgées. Cependant, elle ne s'applique qu'aux nouveaux bénéficiaires. Les bénéficiaires de ces prestations avant la mise en place de l'ASPA les perçoivent toujours.

L'ASPA, l'allocation supplémentaire d'invalidité et les anciennes allocations apportent un complément de ressources aux personnes n'ayant pas ou pas assez cotisé à l'assurance retraite pour atteindre le montant du minimum vieillesse. Ce faisant, elles permettent de lutter efficacement contre la précarité des personnes âgées. Pour mémoire, ce montant n'atteint même pas le seuil de pauvreté fixé à 964 euros. Cependant, son caractère différentiel empêche de cumuler l'allocation avec des revenus du travail. En effet, l'allocation de solidarité aux personnes âgées est versée au taux plein si le total des ressources de la personne n'excède pas un certain plafond. Il n'est pas interdit à un allocataire du minimum vieillesse de percevoir des revenus d'activité, mais ces revenus sont intégrés dans ses ressources et viennent donc en diminution du montant de l'allocation qui lui est versée, ce qui annule le bénéfice de la reprise d'activité. Ainsi, les bénéficiaires du minimum vieillesse sont de facto exclus du dispositif du « cumul emploi-retraite ».

Le cumul emploi-retraite a été institué par la loi du 21 août 2003 et libéralisé, c'est-à-dire déplafonné, par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009. Il permet de reprendre une activité tout en touchant sa pension. Il est ouvert sans conditions si le nouvel emploi relève d'un régime différent de celui qui prévalait au moment de la prise de la retraite. En revanche, s'il se fait sous un même régime, l'assuré devra avoir liquidé l'ensemble de ses droits.

À défaut, le cumul sera limité : la somme du nouveau salaire et des pensions ne pourra excéder le dernier salaire ou 160 % du SMIC, et un délai minimum de six mois sera exigé entre la liquidation de la retraite et la reprise d'activité pour un cumul chez un même employeur.

Le rapport de l'Inspection générale des affaires sociales démontre le succès grandissant du cumul emploi-retraite. La mission estime ainsi que le dispositif est utilisé par un nombre croissant de retraités, leur effectif ayant presque triplé en cinq ans, passant de 119 500 en 2005 à 310 000 en 2010 ; 65 % des bénéficiaires du cumul ont entre soixante et soixante-cinq ans. Ce dispositif permet donc d'augmenter le taux d'emploi des plus de soixante ans, un des points faibles du marché du travail français.

C'est donc une situation tout à fait inéquitable pour les retraités bénéficiaires de l'ASPA. En effet, en l'état actuel du droit, lorsqu'ils perçoivent des revenus professionnels, les titulaires de l'ASPA sont particulièrement pénalisés : non seulement la sécurité sociale prélève des cotisations sociales sur les revenus d'activité perçus, mais la prestation servie aux allocataires se trouve en outre réduite du montant desdits revenus, ce qui conduit à annuler purement et simplement le bénéfice financier de la reprise d'activité.

Cette situation d'inéquité à laquelle font face les allocataires du minimum vieillesse a d'ailleurs été mise en évidence par l'Inspection générale des affaires sociales. Tout le monde s'accorde aujourd'hui à reconnaître ce droit à tous les retraités de cumuler un emploi avec leurs retraites ; encore faut-il que les revenus des bénéficiaires du minimum vieillesse ne soient pas amputés.

En premier lieu, l'IGAS, dans son rapport relatif à l'évaluation du cumul emploi-retraite, estime la situation des bénéficiaires du minimum vieillesse injuste par rapport aux autres retraités, incitative au travail dissimulé et contradictoire avec les politiques publiques d'intéressement des bénéficiaires de minima sociaux et de promotion de l'emploi des seniors.

Le Conseil d'orientation des retraites a lui, fait valoir que « le droit à la retraite ne prive pas les retraités d'un droit fondamental, le droit au travail ».

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