Intervention de Barbara Pompili

Séance en hémicycle du 19 mars 2013 à 15h00
Refondation de l'école de la république — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBarbara Pompili :

Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le rapporteur, chers collègues, depuis plus d'un siècle, nous construisons l'école à l'image de la société que nous voulons. Chaque génération est confrontée à un défi : adapter l'école à la marche du temps et assurer la permanence de nos valeurs républicaines.

Lorsque nos prédécesseurs ont mis en place l'école républicaine, laïque, publique et obligatoire, il s'agissait d'offrir la même qualité d'éducation aux futurs citoyens, quels que soient leurs moyens ou leurs lieux d'habitation. Aujourd'hui, où en est-on ? L'école ne parvient plus à contrecarrer les inégalités sociales et territoriales et le niveau des élèves ne cesse de se dégrader. Ces dix dernières années, nous avons trop souvent eu le sentiment que les réformes, plutôt que de prendre la mesure du problème, ont contribué à l'aggraver.

Que trouve-t-on derrière la création des internats d'excellence, la déconstruction de la carte scolaire et la suppression des allocations familiales en cas d'absentéisme, sinon une logique punitive et d'exclusion ? Sinon une logique de renforcement des inégalités combinée à une volonté de culpabiliser les familles ? Que trouve-t-on derrière la destruction de 80 000 postes d'enseignants et la suppression de leur formation, sinon du mépris pour le monde enseignant et, par là même, pour notre jeunesse ?

C'est bien notre jeunesse qui a subi les conséquences de l'abandon de certaines de nos valeurs républicaines, à cause du recul des moyens accordés à l'école. Ce modèle de société, nous n'en voulons pas. Nous voulons que l'école renoue avec ses missions originelles, pour redevenir le creuset, le ferment d'une République où chacun dispose des mêmes droits. Nous avons la volonté de construire une société où chacun trouvera sa place et s'épanouira. Pour cela, l'école de la République doit à nouveau offrir sans distinction de territoire ou d'origine sociale la même qualité d'encadrement et les mêmes moyens. Car l'enjeu est bien la réussite de tous, et non l'excellence de quelques-uns.

Au-delà, nous devons également avoir l'ambition d'inventer l'école de demain, celle qui permettra aux générations à venir de relever les défis du XXIe siècle. Refonder l'école, c'est aussi la réinventer. Ayons le courage d'innover, de bousculer les pratiques sclérosantes et les cloisonnements paralysants, pour proposer d'autres outils, d'autres approches, dont certains ont fait d'ores et déjà leurs preuves. Se limiter à une simple réparation ne suffira pas !

Monsieur le ministre, nous vous avons fait part de notre soutien déterminé, qu'il s'agisse du recrutement d'enseignants pour qu'il y ait « plus de maîtres que de classes », de l'accueil des enfants dès deux ans ou encore de la réforme des rythmes scolaires. Comme vous le savez, nous voterons pour ce projet de loi qui va dans le bon sens. Mais il faut aller beaucoup, beaucoup plus loin ! C'est le sens des propositions que nous avons faites au cours des débats en commission et en séance publique. Certaines ont été entendues : je vous en remercie.

D'autres doivent encore l'être, pour que cette refondation soit à la hauteur des espérances qu'elle suscite. Profitons de la création des écoles supérieures du professorat et de l'éducation, les ESPE, tant attendues, pour renforcer la formation continue et proposer deux années pleines de formation aux futurs enseignants.

Il faut également organiser un prérecrutement digne de ce nom, pour que chacun puisse accéder à cette profession, et ouvrir au plus vite un dialogue sur la revalorisation du métier d'enseignant. Ne faisons pas de l'école le lieu de la sélection par l'échec, mais un lieu inclusif qui accueille tous les élèves quels que soient leurs difficultés et leurs handicaps, et s'adapte aux besoins de chacun pour permettre la réussite de tous.

Encourageons la liberté et l'expérimentation pédagogiques. Revenons sur l'article 27 bis de ce projet de loi, qui précarise les langues et cultures régionales, ce qui est contraire aux objectifs mêmes de ce texte ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes écologiste et RRDP.) Ouvrons l'école sur l'extérieur, ouvrons ses portes aux familles et aux nombreux acteurs du monde de l'éducation. Dépassons les carcans de l'école pour appréhender l'éducation dans sa globalité, en décloisonnant temps scolaire, périscolaire et extrascolaire, au profit d'une plus grande continuité et de la co-construction des politiques éducatives.

Les projets éducatifs territoriaux sont des outils essentiels dont l'envergure doit être élargie. Ils doivent, monsieur le ministre, avoir vocation à se développer partout en France. Nous attendons beaucoup du fonctionnement de la navette parlementaire sur ce sujet. Pour assurer l'équité territoriale, le fonds d'amorçage doit être transformé en fonds d'accompagnement des collectivités territoriales. À côté des savoirs disciplinaires, promouvons l'éducation artistique et culturelle, l'éducation à l'environnement, à la santé, à la citoyenneté.

Quant à l'évaluation et à la notation, c'est une révolution pédagogique qui doit être menée. Sortons d'un système qui forme à la compétition pour, au contraire, valoriser et former à l'apprentissage de la coopération. Soyons audacieux ! Allons jusqu'au bout, et revisitons le brevet et le bac ! N'ayons pas peur de faire de l'élève un acteur de son parcours.

C'est en agissant sans tabous ni oeillères que l'école de la République pourra à nouveau incarner une promesse crédible pour notre jeunesse. Nous pourrons ainsi lui redonner confiance. Je regrette d'ailleurs que, la semaine passée, les enjeux que je viens d'évoquer n'aient pas toujours été débattus et approfondis avec l'attention qu'ils méritent. On ne peut refonder l'école sans un débat de fond digne de ce nom.

Les débats vont désormais se poursuivre au Sénat. Je ne doute pas de la détermination de mes collègues écologistes à poursuivre nos combats pour donner à l'école de demain l'envergure dont elle a besoin pour former les futurs citoyens du XXIe siècle. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur plusieurs bancs des groupes SRC et RRDP.)

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