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Alexandre Loubet
Question N° 2050 au Ministère de la transition énergétique


Question soumise le 11 octobre 2022

M. Alexandre Loubet appelle l'attention de Mme la ministre de la transition énergétique sur la situation de la centrale à charbon Émile Huchet de Saint-Avold, en Moselle-Est. Alors que le redémarrage de la tranche 6 de 600 MW est prévu courant octobre 2022 par l'exploitant GazelEnergie suite au projet de loi portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat, M. le député constate l'absence de visibilité donnée par le Gouvernement sur la fin d'exploitation de la saison 2022-2023 ou sur la possibilité de la poursuite de celle-ci en 2024 et 2025. Dans un contexte énergétique incertain malgré les impératifs de lutte contre le réchauffement climatique, résultat d'une politique énergétique sans vision ni constance avec un parc nucléaire dont la disponibilité est partiellement dégradée et au regard du cadre légal mouvant, il est vital de donner des perspectives précises aux différentes parties prenantes, à commencer par les élus locaux, par l'exploitant et des sous-traitants au regard de leurs impératifs économiques et industriels et par les salariés qui méritent un minimum de respect après avoir été rappelés au travail pour sauver la sécurité d'approvisionnement électrique du pays malgré un PSE subi quelques mois plus tôt suite à la décision du Gouvernement de fermer la tranche 6. C'est pourquoi il demande au Gouvernement de préciser dans les plus brefs délais si, à court terme, il envisage d'autoriser la tranche 6 du site Émile Huchet à fonctionner en avril 2023 et si, à moyen terme, il compte étendre l'exploitation de cette même tranche à la saison 2023-2024 voire 2024-2025.

Réponse émise le 12 décembre 2023

Notre pays a traversé sa pire crise énergétique depuis les chocs pétroliers des années 1970. La crise ukrainienne et la volonté de la Russie d'utiliser l'approvisionnement énergétique comme une arme de guerre ont entraîné des tensions sans précédent sur les marchés du gaz depuis 2022 et, par voie de conséquence, sur les marchés électriques européens. Par ailleurs, nous avons rencontré à l'été 2022 un épisode de sécheresse inédit ayant conduit à un niveau de production hydroélectrique le plus bas en près de 45 ans. Enfin, la production nucléaire a atteint un niveau historiquement bas en 2022 du fait de l'effet conjugué du programme de visites décennales plus dense résultant du vieillissement du parc (grand carénage), des conséquences du phénomène de corrosion sous contrainte (CSC) sur une quinzaine de réacteurs, découvert fin 2021 mais également des répercussions des différents mouvement social ayant affecté les activités de maintenance. Ce contexte de crise énergétique a conduit le Gouvernement à mettre tout en œuvre pour garantir les meilleures conditions pour le passage de l'hiver 2022-2023 dès le début de l'été 2022.  Cela est passé d'abord par le plan de sobriété annoncé par le Gouvernement en octobre 2022, assorti de mesures visant à lisser les pics de consommation électrique, et qui a été soutenu par une campagne de communication grand public. Ce plan de sobriété est un grand succès. Grâce à la forte mobilisation des Français, la consommation électrique est en baisse de l'ordre de 9 % cet hiver, après retraitement des conditions météorologiques, soit une baisse de consommation équivalente à la production de l'ordre de 7 réacteurs nucléaires. Cette baisse de consommation s'observe toujours aujourd'hui. Par ailleurs, grâce à une politique d'anticipation menée par le Gouvernement dès le début de l'été, les stocks de gaz étaient remplis pour l'entrée de l'hiver dernier. D'autre part, nous avons tout au long de l'année 2022 augmenté nos marges de manœuvre sur la production électrique, renouvelables comme thermiques, avec notamment un choc de simplification porté par les services déconcentrés de l'Etat pour accélérer les projets renouvelables en cours de développement et un projet de loi d'accélération des projets renouvelables promulgué le 10 mars 2023. Nous avons enfin sécurisé notre capacité d'importation d'électricité au travers d'un partenariat de solidarité énergétique qui a été signé avec l'Allemagne fin novembre 2022, qui a contribué à permettre à la France d'importer en 2022 un volume record d'électricité. L'ensemble de ces leviers, qui s'ajoutent aux dispositifs usuels à la main du gestionnaire du réseau de transport RTE, ont permis d'éviter jusqu'à 8 signaux Ecowatt « orange » et 12 signaux EcoWatt « rouge » au cours de l'hiver dernier, c'est-à-dire potentiellement 12 épisodes de coupures d'électricité programmées. L'hiver 2022-2023 a ainsi pu être passé sans coupure d'électricité, ce dont il faut se réjouir, puisque cela traduit un rehaussement de la résilience de notre système électrique. La situation actuelle du système électrique est en nette amélioration grâce notamment à la remontée de disponibilité du parc nucléaire français, au déploiement des énergies renouvelables depuis un an et à la sobriété énergétique qui reste aujourd'hui à un niveau important. Dans ce contexte, la France est d'ailleurs redevenue le plus gros exportateur net d'électricité en Europe au premier semestre dernier et RTE a indiqué le 6 novembre dernier : "Un risque faible pour la sécurité d'approvisionnement au cœur de l'hiver prochain, si la consommation se maintient en fort retrait". Pour pallier la situation exceptionnelle rencontrée en 2022, la loi portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat promulguée le 16 août 2022 a permis le redémarrage exceptionnel de la centrale de Saint Avold. Le Gouvernement a par ailleurs pris un décret permettant l'émission de 2,500 kilotonne d'équivalents dioxyde de carbone par mégawatt de plus que le plafond actuel sur la période entre le 1er octobre 2022 et le 31 mars 2023, ce qui permettrait de disposer des 1,8 GW correspondant aux centrales de Cordemais et St Avold pendant un peu plus de 2500 h supplémentaires sur cette période. Entre le 1er avril 2023 et le 31 décembre 2023, le plafond d'émissions est fixé à 600 tonnes d'équivalent dioxyde de carbone par mégawatt de puissance électrique installée. Enfin, le décret prévoit qu'à compter du 1er janvier 2024, le plafond d'émissions de gaz à effet de serre revienne à 700 tonnes d'équivalent dioxyde de carbone par an et par mégawatt de puissance électrique installée. Malgré le redémarrage de la centrale de Saint Avold et le relèvement des plafonds de fonctionnement des centrales à charbon, la production des centrales au charbon a marqué un recul par rapport à 2021 (en baisse de 1 TWh) et n'a représenté que 0,6 % de la production française. D'ores et déjà en 2023, il peut également être constaté que la production de charbon à date est inférieure à celle de 2022. Cette situation ne remet donc en aucun cas en cause l'objectif de sortie du charbon et le Président de la République a annoncé le 25 septembre dernier "Je pense que la priorité que nous nous sommes donnée pour le pays et que nous allons porter à l'Europe et à l'international, c'est sous ce mandat, et donc d'ici au 1er janvier 2027, d'être totalement sortis du charbon pour la production de notre électricité. Et c'est cette sortie du charbon qu'il faut porter en Européens et pour le monde et qui correspond là encore aux objectifs que nous fixe le GIEC, qui fixe la barre de 2030 pour sortir du charbon. La France sera en avance sur ce rendez-vous grâce à cette stratégie.". Dans le contexte de la préparation des futurs loi et décret portant sur la programmation énergétique français, le Gouvernement proposera ainsi une trajectoire énergétique visant la décarbonation des deux dernières centrales à charbon français d'ici 2027. De premiers échanges à ce sujet ont d'ores et déjà eu lieu avec les exploitants concernés et leurs organisations syndicales. Dans le même temps, le Gouvernement a rappelé son soutien au projet Emil'Hy visant à produire de l'hydrogène décarboné par électrolyse à grande échelle, afin de répondre à la demande notamment d'industriels voisins de la France. Ce projet s'inscrit dans la dynamique de transition énergétique et écologique portée par le territoire, contribuant ainsi à l'objectif de décarbonation de l'économie européenne et à la solidarité européenne dans le secteur de l'énergie dont la guerre menée par la Russie en Ukraine a rappelé toute l'importance.

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