Intervention de Jean-François Carenco

Réunion du mercredi 7 juin 2023 à 14h30
Commission d'enquête sur le coût de la vie dans les collectivités territoriales régies par les articles 73 et 74 de la constitution

Jean-François Carenco, ministre délégué :

Nous allons en parler. Mon action a notamment consisté à faire venir un Mauricien à La Réunion : tout le monde n'était pas content, y compris ceux qui disent « halte aux monopoles ». Or il faut essayer de faire venir des gens et de lutter contre les abus de monopole.

Dans la grande distribution, il n'existe pas de monopole : il y a au moins trois ou quatre acteurs partout. Ainsi, le groupe Bernard Hayot n'a pas de monopole, ce n'est pas vrai. C'est dans d'autres domaines que la question est difficile. S'agissant de la grande distribution, je ne suis pas sûr qu'il n'y ait pas une concurrence suffisante.

Prenons l'exemple de l'eau en bouteille à Mayotte. Nous allons bloquer le prix de l'eau réglementairement. Quel est le problème ? On achète de l'eau au prix sans marge et on le revend avec une grosse marge. C'est cela, le prix de l'eau en bouteille à Mayotte.

J'ajoute que le fait d'avoir trois ou quatre partenaires sur place a permis de créer le nouveau bouclier qualité-prix BQP+, contenant davantage de produits. Le prix du panier de consommation a baissé, ou a au moins été bloqué.

Reste la question des moyens de lutter contre la vie chère. L'action de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) outre-mer me paraît insuffisante. J'ai pris rendez-vous avec la nouvelle directrice générale, nommée récemment. Je compte beaucoup sur elle. Les agents de la DGCCRF sont les correspondants naturels de l'Autorité de la concurrence. Celle-ci, soit dit en passant, n'a pas tous les pouvoirs qu'on veut bien lui prêter : il y a des règles de droit à respecter. Je vois assez souvent le président Benoît Cœuré pour déterminer avec lui quand il doit agir.

En ce qui concerne la continuité territoriale, et l'idée selon laquelle nous y consacrerions 257 euros par habitant et par an pour la Corse, contre 16 euros pour les outre-mer, je conteste ces chiffres, car il faut prendre en compte tous les dispositifs.

L'achat d'avions permet aux compagnies aériennes de bénéficier d'une défiscalisation. Or elles en acquièrent régulièrement. À raison de 30 millions d'euros par appareil, cette dépense fiscale, que vous autorisez chaque année, est très coûteuse. Nous donnons cet argent sans état d'âme dès lors que la compagnie est solide. Aucun dispositif de ce genre n'existe pour la Corse.

À cela s'ajoutent les abandons de créances : 130 millions pour Air Austral, 100 millions pour Corsair il y a deux ans, et l'on m'en demande de nouveau 140. Les opérateurs de compétences (OPCO) dépensent beaucoup d'argent pour envoyer des personnes se former en métropole. Il y a aussi les congés bonifiés et les transports pris en charge par la sécurité sociale. J'ai demandé à mes services de faire le total ; à mon avis, le chiffre n'est pas très éloigné de celui que vous citiez à propos de la Corse. Je vous le communiquerai, ainsi qu'à tous les membres de la commission.

Il est vrai, toutefois, que le prix du transport reste élevé. Nous entendons doubler d'ici à 2025 la capacité d'intervention de l'Agence de l'outre-mer pour la mobilité (Ladom). Nous en profiterons pour changer son orientation. J'ai demandé au directeur de l'Agence d'engager des négociations avec les compagnies aériennes. Il n'est pas normal que nous n'ayons pas de réductions alors que nous leur achetons 70 000 billets. Air Caraïbes et French Bee ont déjà consenti un effort. En outre, la gestion de Ladom doit être optimisée. Certaines dépenses de formation professionnelle, notamment, ne relèvent pas de ses missions. Elle doit solliciter des financements au titre du Fonds social européen (FSE). Enfin, j'ai d'ores et déjà demandé des crédits budgétaires supplémentaires pour 2024.

Par ailleurs, dans l'ensemble des dépenses liées au transport, il ne faut pas oublier non plus ce que j'appellerai la « continuité territoriale secondaire » : la desserte de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Wallis-et-Futuna, ou encore ce que nous donnons à Air Guyane. Pour les citoyens de ces territoires, ces aides sont très importantes.

Quoi qu'il en soit, j'espère obtenir l'argent nécessaire dans le budget 2024 pour continuer à avancer. J'avais un rendez-vous ce matin avec Clément Beaune et un autre à treize heures avec Christophe Béchu.

Depuis 2019 – je n'y suis donc pour rien –, l'aide octroyée aux OPMR a doublé. Elle atteint 600 000 euros. Je ne suis pas favorable à ce que l'on salarie les personnes qui y participent. Les représentants des services de l'État apportent une dimension professionnelle, et les représentants des consommateurs un côté militant. Si j'avais l'argent pour le faire, je préférerais l'utiliser pour diminuer le prix du transport aérien.

Je regrette que le délégué à la concurrence ne soit pas directement rattaché au ministère de l'outre-mer. Il ne constitue pas la préoccupation première de Bercy, et l'on peut le comprendre, mais c'est justement pour cette raison que je me bats pour le ramener dans mon giron. Je pense que j'y parviendrai. Il m'aidera ainsi à mener la politique de diversification de l'offre que j'ai décrite et dont l'objectif est de faire baisser les prix.

Concernant l'inflation, monsieur le Rapporteur, elle est plus faible outre-mer qu'en France hexagonale, simplement le niveau de départ des prix était supérieur. C'est vrai pour le prix de l'essence et pour ceux des produits alimentaires dans la grande distribution – je laisse de côté le logement, car c'est un autre sujet. À la Martinique, l'inflation s'est élevée à 4,2 % en 2022 au total, contre 5,9 % en métropole, et à 5,5 % s'agissant des produits alimentaires, contre 12,7 % en métropole. Dans le domaine de l'énergie, elle a été limitée à 15 %, contre 23 % en métropole. Cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas continuer à travailler sur la question, car les revenus et le niveau de vie des populations d'outre-mer sont inférieurs à ceux de la métropole.

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