Intervention de Pierre Chambu

Réunion du jeudi 11 mai 2023 à 16h00
Commission d'enquête sur le coût de la vie dans les collectivités territoriales régies par les articles 73 et 74 de la constitution

Pierre Chambu, chef du service de la protection des consommateurs et de la régulation des marchés à la DGCCRF :

Je vais essayer de vous répondre sur cette question des seuils, qui est importante. La concentration économique peut être générée par la croissance externe, c'est-à-dire via les rachats, ou par la croissance interne, lorsqu'une entreprise continue de gagner des parts de marché. Ces deux situations sont différentes.

Dans notre système, la croissance externe, c'est-à-dire l'augmentation des parts de marché par fusions-acquisitions, est soumise, à partir d'un certain nombre de seuils de chiffres d'affaires, à une autorisation préalable de l'Autorité de la concurrence. Deux seuils ne doivent pas être confondus. Il y a les seuils à partir desquels l'opération doit obligatoirement être notifiée. Ce sont des seuils en chiffre d'affaires. Ensuite, l'Autorité de la concurrence apprécie le risque d'une atteinte à la concurrence et donc la concentration économique qui va résulter de la fusion. Par exemple, une entreprise en rachète une autre. Elle avait X % de parts de marché et elle aura donc Y % de parts de marché. Risque-t-elle de porter atteinte à la concurrence ? Il n'y a pas de seuil magique. Vous disiez que certains seuils ne pouvaient pas être dépassés. Non, cela n'existe pas. Ce qui existe est différent. Il y a un seuil de présomption, en quelque sorte, c'est-à-dire qu'autour de 25 ou de 30 % de parts de marché, nous pouvons penser qu'un risque d'atteinte à la concurrence se présente. Dans un tel cas, il faut regarder de manière plus approfondie, ce qui ne signifie pas qu'il est interdit de valider une concentration qui donne aux parties 30 % de parts de marché, ni même d'ailleurs 40 %. Le risque d'atteinte à la concurrence n'est pas mécanique. Vous pouvez avoir sur un marché une entreprise qui a 40 % de parts de marché, une autre qui en a 30 et encore une autre qui en a 30. Elles se livrent une concurrence féroce, ce qui ne pose aucun problème.

Je vous propose de vous fournir la littérature économique sur ce sujet, qui a été d'ailleurs formalisée par la Commission européenne et reprise en France. Nous parlons ici de la croissance externe. Il n'y a pas de seuil que personne n'a le droit de dépasser.

L'Autorité de la concurrence peut indiquer à des entreprises qui occupent un certain marché qu'elles ne sont pas autorisées à procéder à une fusion sans céder des actifs, pour ne pas qu'elles dépassent un seuil de parts de marché. L'Autorité considère, sur la base de son analyse, que ce dépassement pourrait représenter un problème.

Nous avons ensuite la situation de la concentration économique qui ne résulte pas du contrôle de concentration et qui est naturelle en quelque sorte. Dans le système juridique français et européen, on ne peut pas sanctionner une entreprise parce qu'elle a une part de marché, même de 100 %. Il n'y a rien d'illégal. En revanche, on regarde si le marché lui donne une position dominante, selon des critères existants. Pour la sanctionner ou éventuellement lui imposer des injonctions structurelles, il convient de démontrer qu'elle abuse de sa position dominante. Une telle démonstration passe par les pratiques commerciales qu'elle met en œuvre.

Nous pourrons vous communiquer tout l'historique de nos enquêtes, notamment dans le secteur de la distribution alimentaire dans les outre-mer. Je répète ce que j'ai dit dans mon propos liminaire. L'administration de la DGCCRF est une administration de l'État, placée sous l'autorité du gouvernement. Quand on lui demande de faire une enquête, elle la mène.

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