Intervention de Pascal de Izaguirre

Réunion du jeudi 11 mai 2023 à 10h00
Commission d'enquête sur le coût de la vie dans les collectivités territoriales régies par les articles 73 et 74 de la constitution

Pascal de Izaguirre, président-directeur général de Corsair, président de la fédération nationale de l'aviation et de ses métiers, président de la Chambre syndicale du transport aérien :

Je ne reviendrai pas sur les propos de M. Henri de Peyrelongue qui sont tout à fait vrais. Je souhaiterais évoquer la constitution de nos coûts de production. En premier lieu, mettons en avant une inflation générale très élevée. Tout augmente, et nous n'évoquerons pas les augmentations salariales que nous avons dû opérer, les coûts d'entretien et de maintenance des avions qui ont considérablement augmenté. À Corsair, les avions sont motorisés par Rolls-Royce. Sur les Neo, je n'ai pas le choix, nous avons un Trent 7000. Nous sommes complètement « arnaqués » par Rolls-Royce, si vous me permettez cette expression, qui est dans une situation monopolistique. Nous sommes totalement pieds et poings liés. Je pourrais vous donner l'exemple des redevances de navigation aérienne ; vous aviez la DGAC auparavant, + 25 %. Je pourrais vous donner l'exemple du catering aux Antilles, + 24 %, ou à La Réunion, + 21 %. On parle d'inflation alimentaire en France qui est somme toute bien pire dans les territoires ultramarins.

Certains éléments sont cependant endogènes et propres aux territoires ultramarins. Que font les aéroports pour modérer l'évolution de leur redevance qui représente un élément constitutif de coûts ?

Pour ce qui concerne le pétrole, nous avons attaqué une décision prise fin avril, en début 2022, puisque nous avons été invités à la préfecture à une réunion en présence de la SARA pour nous expliquer que les tarifs seraient augmentés d'un différentiel tout à fait substantiel, avec une opacité incomplète sur les raisons réelles. Nous avions alors compris que l'aérien était en réalité taxé pour modérer l'évolution des tarifs routiers de l'essence. Nous avons envoyé à la préfecture de Martinique un recours gracieux pour que ce différentiel soit supprimé, puisque nous considérons que celui-ci a été ajouté de façon illégale. Nous n'avons pas obtenu de réponse. En conséquence, toutes les compagnies desservant les Antilles ont décidé d'introduire un recours devant le tribunal administratif de Fort-de-France pour voir la préfecture de la Martinique condamnée. Un débat existe pour savoir si la préfecture a imposé ce différentiel à la SARA. Nous avons cependant pu consulter un extrait de la conférence de presse du Sénat et l'intervention de madame la sénatrice Conconne qui a rapporté une conversation avec le directeur financier de la Sara confirmant que l'augmentation était une demande de la préfecture. L'audience se tiendra le 25 mai.

Ainsi, en janvier 2023, le prix payé par Corsair à Orly et le prix payé à Pointe-à-Pitre ou à Fort-de-France étaient supérieurs aux Antilles de 13,6 %, ce que nous pouvons éventuellement comprendre. En février, cet écart est passé à 37 %, en mars à 29 %, en avril à 29 %, et en mai, à 25 %. Expliquez-moi les raisons d'une telle différence de prix. Nous n'avons eu aucune réponse de la part de la SARA.

Le prix du carburant représente 35 % du total des dépenses d'une compagnie. Nous payons ce prix en dollar qui est revalorisé par rapport à l'euro. Par conséquent, sur les lignes Antilles, le poste fioul représente encore plus. Nous nous étions vus imposer un différentiel de la SARA, auquel je faisais allusion et qui est celui que nous attaquons. Pour quelles raisons, entre avril et mai 2023, ce différentiel de la SARA a-t-il augmenté de 25 % sans aucune raison ? Alors que le prix du pétrole baisse, ce qui est incontestable, et que nous pourrions en faire bénéficier les consommateurs, en particulier ultramarins, nous en sommes empêchés par des tarifs prohibitifs. Je mesure la baisse des prix du carburant à Orly. Aux Antilles, la baisse est évidemment bien plus faible, notamment avec une augmentation du différentiel. Ce phénomène est moins vrai à La Réunion. Nous avons somme toute eu une taxe imposée le 1er octobre 2022. On nous a expliqué que le prix du transport maritime du fret pour acheminer le pétrole à La Réunion avait beaucoup augmenté. Pourtant, il ne me semble pas que les bénéfices générés par les transporteurs maritimes soient dans le même état que les résultats financiers des compagnies aériennes, par exemple.

Il nous a été indiqué que le fret était passé de 14,33 euros le mètre cube à 44,12 euros. Le transporteur a pris une marge supplémentaire de 2,16 euros à 17,45 euros. Nous sommes par conséquent passés d'environ 11 euros à 65 euros le mètre cube, ce qui se traduit par une taxe et donc par un renchérissement du prix du pétrole depuis le 1er octobre 2022. Certes, l'équilibre de l'offre et la demande est à pointer. Nous avons cependant un très modeste réseau international par rapport à celui d'Air France. Toutefois, je ne peux que confirmer ce que mon collègue du groupe Air France-KLM a déclaré : les prix sont plus avantageux sur les liaisons ultramarines que sur les liaisons internationales. Nous desservons quelques liaisons en Afrique ; les prix y sont bien plus élevés. C'est d'ailleurs ce que souligne la DGAC : les prix au kilomètre sur les liaisons ultramarines sont plus faibles que sur les liaisons internationales.

Je tenais à insister sur cette spécificité pour laquelle je redemande votre appui, car nous avons l'impression de nous battre seuls, sans soutien de l'écosystème politique local ultramarin qui devrait avoir à cœur de voir une baisse des coûts de production endogènes.

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