Intervention de Max Dubois

Réunion du jeudi 13 avril 2023 à 15h30
Commission d'enquête sur le coût de la vie dans les collectivités territoriales régies par les articles 73 et 74 de la constitution

Max Dubois, ancien conseiller spécial du ministre délégué chargé des outre-mer :

GBH a obtenu le droit de réaliser cette opération de fusion – l'une des plus importantes jamais réalisée dans les territoires d'outre-mer – contre l'avis de tous les parlementaires de La Réunion, qui ont fait connaître leur opposition au rachat des magasins Vindémia par GBH dans une lettre qu'ils ont tous signée.

Dans son premier avis, rendu en 2019, l'Autorité de la concurrence a pointé un risque lié à cette concentration. Un an plus tard, elle a refusé de passer à la phase 2 de son instruction et a considéré que l'opération pouvait avoir lieu, sous réserve de la cession de quatre magasins. De mémoire, le chiffre d'affaires de Vindémia, à La Réunion, s'élevait à 650 millions, à quoi s'ajoute celui réalisé dans les « 3 M », Mayotte, Maurice et Madagascar, qui était de 200 millions.

Les quatre magasins ont été vendus par GBH, en toute légalité bien sûr. Le retour a été cinglant pour les finances publiques : trois ans plus tard, le groupe qui les avait rachetés, constitué autour de Run Market – qui n'est pas un spécialiste de la grande distribution – affichait une perte de 130 millions et était en situation de déposer le bilan. Pour sauver environ 700 emplois, il a fallu en appeler au comité interministériel de restructuration industrielle (Ciri) et Bercy a dû se munir d'une grosse éponge pour effacer une grande partie de la dette – grossièrement, les prêts garantis par l'État (PGE) – avant que les banques ne soient appelées à la rescousse. Le coup d'éponge s'est élevé à 85 millions.

Bref l'Autorité de la concurrence affirme que tout va pour le mieux dans cette opération, le Groupe Bernard Hayot cède quatre magasins et trois ans plus tard, l'argent public, notre argent, est utilisé pour régler la note. Un repreneur mauricien a été trouvé, le groupe IBL, mais il a subordonné la reprise à un coup d'éponge de l'État sur les dettes fiscales et sociales et sur les PGE, et à une intervention pour inciter les banques à faire de même. Je crains donc d'avoir eu raison de monter au créneau, il y a trois ans, pour expliquer que cette opération représentait un grand danger. Je n'étais d'ailleurs pas seul : M. Girardier, du cabinet d'étude Bolonyocte, l'avait également fait. J'ajoute que malgré cette reprise par un groupe tout à fait sérieux, la survie de l'opération demeure à mon sens problématique.

Il y a donc eu des alertes, et les politiques de La Réunion ont à l'unanimité demandé que l'Autorité de la concurrence, au minimum, engage la phase 2 de son instruction. Elle ne l'a pas fait, et ni le Président de la République, ni Bruno Le Maire n'ont jugé bon d'utiliser leur pouvoir d'évocation en ce sens. Que s'est-il donc passé ?

Pourtant, les rapports de l'Autorité de la concurrence expliquent tous qu'il faut éviter les concentrations ! Mais chaque fois que la question se pose, les avocats montent au créneau et plus rien n'est possible. Le dysfonctionnement est patent.

J'avais il y a peu un patron de banque au téléphone à ce propos. « Moi qui ai dû passer un coup d'éponge de plusieurs millions dans l'affaire Vindémia, m'a-t-il dit, comment puis-je maintenant courir après un artisan qui a trois ou quatre mois de retard pour rembourser son fourgon Trafic ? » Ces situations sont insupportables. De telles inégalités provoquent chez les citoyens des réactions que je comprends, même si elles sont parfois un peu excessives.

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