Intervention de Florence Bouliou

Réunion du jeudi 6 avril 2023 à 14h00
Commission d'enquête sur le coût de la vie dans les collectivités territoriales régies par les articles 73 et 74 de la constitution

Florence Bouliou, responsable du département prix de l'Institut de la statistique de la Polynésie française :

Nous nous proposons de vous présenter la façon dont se constituent les prix en Polynésie française. Je dois préciser que nous sommes en période de réserve, en raison des élections territoriales qui se dérouleront les 16 et 30 avril ; cela ne nous empêche pas de participer à cette audition, mais notre intervention restera neutre et informative.

Je présenterai tout d'abord les organismes qui interviennent sur le sujet des prix en Polynésie française, et qui peuvent aussi être des sources de données et d'informations. Puis je vous exposerai les sujets sur lesquels l'ISPF peut faire valoir son expertise, à savoir les niveaux de revenus et les niveaux de prix.

Parmi les quatre organismes qui interviennent sur le sujet des prix en Polynésie, le premier est la direction générale des affaires économiques (DGAE). Son rôle est de mettre en œuvre les politiques économiques du gouvernement de la Polynésie française. C'est l'organe spécialiste de la réglementation des prix. La DGAE suit l'évolution des prix et des coûts, contrôle les pratiques en matière de prix et intervient pour faire respecter la réglementation.

Le deuxième organe est l'Autorité polynésienne de la concurrence (APC). Elle assure le bon fonctionnement des marchés au service des consommateurs et des entreprises de la Polynésie française. Elle dispose d'un pouvoir d'enquête, de sanction et de conseil en matière de régulation économique.

L'Institut d'émission d'outre-mer (IEOM) assure, quant à lui le rôle de banque centrale dans les collectivités d'outre-mer ayant pour monnaie le franc pacifique, comme la Nouvelle-Calédonie, Wallis-et-Futuna et la Polynésie française. Ses quatre grandes missions sont la stratégie monétaire, la stabilité financière, les services à l'économie et les spécificités ultramarines.

Notre institut, enfin, produit et diffuse des informations statistiques sur l'économie, la société et l'environnement de la Polynésie française, afin de cultiver l'information et d'alimenter les idées. Pour ce faire, les quelque cinquante agents de l'ISPF exercent des missions de collecte et d'analyse de données, réalisent des enquêtes et des études et diffusent de l'information.

J'en viens aux sujets d'expertise de l'Institut de la statistique de la Polynésie française : le niveau de vie et le niveau des prix.

Le niveau de vie en Polynésie française est moins élevé qu'en métropole. Notre enquête de référence est celle sur le budget des familles, qui centralise l'ensemble des données relatives aux revenus des ménages, à savoir les salaires, les aides et les revenus fonciers et immobiliers. La dernière édition de cette enquête date de 2015 ; cette année-là, le revenu médian mensuel par unité de consommation a été estimé à 905 euros en Polynésie française ; il était de 1 692 euros en métropole, soit un écart de 46,5 %. Cet écart s'explique, pour partie, par le marché de l'emploi. En Polynésie française, le taux d'emploi est plus faible qu'en métropole : 53 % contre 68 %. De plus, l'allocation chômage n'existe pas en Polynésie : si l'on est sans emploi, on ne bénéficie d'aucun revenu au titre du chômage.

Par ailleurs, le salaire moyen net est moins élevé. En la matière, nos données datent de 2018. Le salaire moyen net en Polynésie s'établissait alors à 2 067 euros, contre 2 392 euros en métropole. Les revenus du travail représentant 88 % des ressources des ménages, cela contribue grandement à l'écart des niveaux de revenus. De plus, le montant du salaire minimum interprofessionnel garanti (Smig) polynésien est nettement inférieur – de 8,5 % – au salaire minimum interprofessionnel de croissance (Smic) métropolitain. En outre, les inégalités salariales sont plus marquées qu'en métropole ; le rapport entre le salaire du premier décile et celui neuvième décile est de 3,28 en Polynésie, contre 2,80 en métropole. Je précise que ces comparaisons salariales, réalisées en 2018, ne prennent pas en compte, pour les salariés métropolitains, le prélèvement d'impôt sur le revenu qui, à l'époque, n'était pas encore prélevé à la source.

Le seuil de pauvreté correspond à 60 % du revenu médian. En Polynésie française, il s'élève à 543 euros. Si l'on applique ce seuil aux deux populations, 27 % de la population de Polynésie française vit en dessous, contre moins de 5 % en métropole. Si l'on prend le seuil de pauvreté de la métropole, qui s'élève à 1 015 euros, 62 % de la population polynésienne vit en dessous, contre 14 % de la population en métropole.

Le second sujet d'expertise de l'ISPF a trait au niveau de prix.

Le constat global est que le niveau de prix en Polynésie française est plus élevé qu'en métropole. Nous participons à l'enquête de comparaison spatiale des prix organisée par l'Insee, qui compare, sur tous les territoires français, le prix d'un même panier de consommation. Les derniers résultats datent de 2016 et concluent à des prix plus élevés de 39 % en Polynésie française. Une nouvelle édition de l'enquête a été effectuée en 2022. Les données sont en cours de traitement et d'analyse. Les publications sont prévues en juillet pour la France métropolitaine et en septembre pour la Polynésie.

Dans l'étude de 2016, les principales contributions aux écarts de prix venaient des produits alimentaires et des boissons non alcoolisées – 12 % –, du logement – 6 % – et des autres biens et services, particulièrement des assurances – 4,5 %. Ce niveau de prix élevé est plus marqué pour les ménages plus modestes. En effet, les dépenses de première nécessité, telles que se nourrir et se loger, représentent une part plus importante de leurs dépenses : en 2016, elles représentaient 47,8 % des dépenses des ménages modestes, contre 42,4 % pour la moyenne des ménages.

Ces différences de niveau de prix tiennent d'abord à des facteurs géographiques : l'éloignement de la Polynésie française des grands pôles de développement, la petite taille démographique de la destination et le vaste territoire qu'elle représente. Tous ces faits géographiques engendrent des coûts importants d'infrastructures et de transport, mais aussi des coûts liés à la douane et aux taxes.

De plus, le territoire est dépendant de l'importation : 94 % des biens de consommation sont importés, dont 59 % de produits des industries agroalimentaires. Sur le marché, l'offre locale est faible sur les lieux de consommation. La Polynésie est isolée et le marché, assez petit. Cela limite les ressources, notamment lorsqu'il s'agit de secteurs dans lesquels il faut investir. En conséquence, la concurrence est assez faible, comme la compétitivité.

En conclusion, les niveaux de vie et de revenus sont significativement moins élevés en Polynésie française qu'en France métropolitaine ; le niveau de prix, lui, y est plus élevé.

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