Intervention de Claire Cerdan

Réunion du vendredi 24 mars 2023 à 9h00
Commission d'enquête sur le coût de la vie dans les collectivités territoriales régies par les articles 73 et 74 de la constitution

Claire Cerdan :

Dans certains territoires d'outre-mer, on voit coexister différents modèles de développement agricole. Il y a un modèle spécialisé dans les filières animales ou végétales, qui fait du volume et est orienté vers la grande distribution. Un autre modèle, regroupant des producteurs, par exemple de fruits et légumes, qui vendent au marché de gros à des revendeurs, ceux que l'on appelle les « bazardiers » à La Réunion mais aussi des primeurs ; il est essentiel pour fournir à la population des produits à moindre coût. Un troisième modèle procède d'initiatives de consommateurs et de producteurs qui développent des circuits courts afin de s'affranchir des intermédiaires, de la grande distribution ou des coopératives.

Pour atteindre l'autosuffisance alimentaire, il s'agit moins de remplacer un modèle que d'organiser la coexistence des trois.

Afin de lutter contre les oligopoles, au-delà de dispositifs comme les observatoires des marges qui méritent d'être soutenus, il importe de faire émerger un contre-pouvoir et un dialogue entre les différents acteurs. Les projets alimentaires territoriaux, initiatives en marge du monde agricole promues par des communes ou des intercommunalités, au nombre de quatorze dans les territoires d'outre-mer, présentent l'intérêt d'accélérer les transferts vers le secteur agricole en le faisant évoluer. Ils visent à créer de la valeur et des emplois par l'incorporation de services locaux, notamment aux modalités de commercialisation, avec une attention particulière pour la précarité alimentaire et la fourniture d'aliments aux populations les plus vulnérables, et à la valorisation des produits existants par des ateliers de transformation. Le plan « France Relance » a permis à beaucoup de communes candidates à des PAT d'installer des outils de production réduisant les pertes ou valorisant les produits du territoire. Dans ce cadre, le projet alimentaire territorial permet une approche globale des sujets agricoles et alimentaires, en mobilisant des outils à la main des communes et des intercommunalités, telles que la restauration scolaire et la commande publique, et de stimuler l'intégration et la production locale. C'est une façon d'inciter les producteurs à produire et d'éloigner les consommateurs des produits ultra-transformés. De projet, le PAT se mue en politique cohérente d'éducation alimentaire, de valorisation des produits locaux, de nouvelles relations entre producteurs et consommateurs.

L'analyse du rôle des PAT à l'occasion du séminaire de l'Office de développement de l'économie agricole d'outre-mer (Odeadom) a montré qu'ils s'inscrivent dans une dynamique de renforcement de l'autosuffisance alimentaire. Nombre de communes et d'intercommunalités vont mettre en valeur leurs friches communales, les mettre à disposition, recruter de jeunes agriculteurs, investir dans des infrastructures écologiques. La mairie de La Possession finance la plantation de haies protectrices afin de favoriser une agriculture moins gourmande en intrants. D'autres vont valoriser la pluriactivité, soutenir la labellisation. Tous les projets alimentaires territoriaux accompagnent l'approvisionnement de la restauration collective : il s'agit de mettre plus de produits locaux dans les assiettes, des enfants notamment, mais aussi, par des initiatives de sensibilisation, de redonner le goût et de sensibiliser les populations à l'alimentation. Dans nombre de cas, on essaie de dialoguer non seulement avec les filières agricoles, avec des producteurs indépendants et les acteurs des marchés de gros mais aussi avec des primeurs ou des bazardiers. On crée des jardins collectifs partagés pour réactiver le jardin créole nourricier, dont l'identité est forte dans certains territoires, pour renforcer l'éducation alimentaire. On insiste aussi sur la réduction du gaspillage. Ces éléments permettent de renforcer l'autosuffisance alimentaire et l'intérêt des plus jeunes pour l'agriculture.

On pense souvent qu'il est difficile de pratiquer l'agroécologie en pays tropical ; il est vrai que cela suppose des connaissances et des expérimentations, ainsi qu'un système de production diversifié afin de réguler le système. Je ne suis pas agronome de formation, mais des collègues du Cirad y travaillent. Il existe beaucoup d'initiatives régionales. Il est intéressant de regarder ce qu'il se passe dans des pays aux conditions climatiques comparables. Au Brésil, l'agroécologie se développe dans des territoires soumis aux mêmes conditions tropicales difficiles. Cela suppose un accompagnement, une meilleure connaissance des bioagresseurs, l'installation de protections pour éviter les pertes, car si l'on supprime simplement les intrants sans modifier le système, le rendement baisse considérablement et il devient difficile de produire.

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